En raison de la crise sanitaire qui perdure, l’assemblée générale de l’association HTaPFrance s’est tenue par visio-conférence le 19 juin dernier. Au programme de cette rencontre virtuelle, l’intervention très attendue des experts du centre de référence coordonnateur de l’hypertension pulmonaire (CHU Bicêtre, AP-HP) sur les actualités et les progrès thérapeutiques dans cette maladie.
Hypertension pulmonaire à l’ère de la Covid-19
La dysfonction endothéliale dans la Covid-19
Des données, publiées ces derniers mois, montrent que la Covid-19 ne se manifeste pas seulement dans les formes graves par une pneumonie et potentiellement un syndrome de détresse respiratoire aiguë, mais qu’elle se caractérise aussi par des atteintes diffuses touchant de nombreux tissus et organes. Et pour cause : il est observé une atteinte des cellules qui tapissent l’intérieur de la paroi des vaisseaux sanguin, que l’on appelle l’endothélium.
En conditions normales, l’endothélium joue un rôle capital dans la régulation du tonus des vaisseaux sanguins et de la coagulation sanguine. Ainsi, il permet d’assurer le bon écoulement du sang dans les vaisseaux, notamment en empêchant la formation de caillots sanguins.
Aujourd’hui, il a été démontré que le coronavirus SARS-CoV-2 se sert d’une molécule présente à la surface des cellules pour les infecter : l’enzyme ACE2. Celle-ci constitue une porte d’entrée dans l’organisme. Cela est particulièrement vrai au niveau des cellules de l’appareil respiratoire, mais aussi de l’endothélium ce qui peut aboutir à une dysfonction endothéliale et induire des dégâts qui ne sont pas exclusifs aux poumons : chaque organe est en effet irrigué par les vaisseaux sanguins.
Figure 1 : Représentation schématique des mécanismes hypothétiques par lesquels le coronavirus SRAS-CoV-2 provoque un dysfonctionnement endothélial et des modifications vasculaires pulmonaires. Huertas A, Montani D, Savale L, Pichon J, Tu L, Parent F, Guignabert C, Humbert M. European Respiratory Journal 2020 56: 2001634; DOI: 10.1183/13993003.01634-2020
Mise en place d’un registre recensant les cas de Covid-19 chez les patients HTP
« Depuis le début de l’épidémie Covid-19, le réseau français de l’hypertension pulmonaire a mis en place un registre recensant tous les cas de Covid-19 chez les patients HTP, afin de mieux déterminer les facteurs pronostiques et l’évolution de cette infection » rapporte le Pr David MONTANI, pneumologue au centre de référence de l’hypertension pulmonaire (CHU Bicêtre, AP-HP, Le Kremlin-Bicêtre).
Entre janvier 2020 et avril 2021, 211 cas de Covid-19 ont été identifiés chez des patients porteurs d’hypertension pulmonaire. Plus de la moitié étaient atteints d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), un quart souffraient d’hypertension thromboembolique chronique et 19 % étaient atteints d’autres formes d’hypertension pulmonaire. Les cas d’infections nosocomiales de la Covid-19 (c’est-à-dire contractée en milieu hospitalier) concernaient 15 % des patients. L’âge moyen était de 64 ans et les femmes étaient davantage touchées que les hommes.
40 % de patients atteints du Covid-19 ont été pris en charge en ambulatoire –c’est-à-dire à leur domicile. En revanche, 60 % d’entre eux ont dû être hospitalisés (30 % en réanimation ou en soins intensifs). Malheureusement, presque 25 % des patients sont décédés, ce chiffre atteignant 41 % chez les hospitalisés souffrant de formes sévères de Covid-19, et ceci, quel que soit la prise en charge thérapeutique.
« Les facteurs de risque d’hospitalisation ou de décès dus à la Covid-19 sont similaires à ceux des autres patients à savoir : l’âge, le sexe, l’hypertension artérielle, les maladies cardio-vasculaires, les maladies respiratoires, le diabète, l’insuffisance rénale, etc. La sévérité de l’hypertension pulmonaire ne semble pas être un sur-risque important par rapport aux autres facteurs. Par ailleurs, la moitié des patients ont été accueillis et pris en charge dans les hôpitaux de proximité (et pas uniquement dans les centres du réseau français de l’hypertension pulmonaire) » révèle le Pr David MONTANI.
Figure 2 : Nombre de cas de HTP et Covid-19 par mois (à gauche).
Nombre de cas HTP décédés suite à la Covid-19 par mois (à droite).
La vaccination des patients HTP
Concernant la vaccination contre la Covid-19, dès l’ouverture du périmètre des vaccinations prioritaires mentionnée dans l’avis de la HAS du 17 décembre 2020, le centre de référence coordonnateur de l’hypertension pulmonaire (PulmoTension), avec la collaboration de l’association HTaPFrance et RespiFIL ont fortement soutenu la vaccination contre la Covid-19 en toute première priorité des patients atteints d’hypertension pulmonaire. Le Pr David MONTANI souligne « qu’aucun cas sévère de Covid-19 n’a été déclaré après la première ou la deuxième injection (vaccination complète). Aussi, aucune complication (thrombose, hémorragie, même sous anticoagulant) liée au vaccin n’a été observée, quel que soit le type de vaccin utilisé ». L’expert a insisté sur le rapport bénéfice/risque favorable de la vaccination. « En effet, la vaccination permet de protéger les patients des formes graves de la Covid-19, sachant que les hypertendus pulmonaires ont trois fois plus de risque de développer une Covid-19 sévère par rapport à la population générale ».
« Au centre de référence coordonnateur de l’hypertension pulmonaire (CHU de Bicêtre, AP-HP) et dans tout le réseau de l’hypertension pulmonaire, les soignants se sont fait vacciner contre le SARS-Cov-2, surtout pour protéger les patients en toutes circonstances » rapporte le spécialiste. Les gestes barrières (masque, lavage des mains, solution hydro-alcoolique notamment) restent toujours un élément clé de la prévention.
Le sotatercept, un nouveau traitement prometteur dans l’hypertension artérielle pulmonaire
Aujourd’hui, il existe trois grandes familles de médicaments contre l’hypertension artérielle pulmonaire dont le rôle est avant tout de dilater les artères pulmonaires (que l’on appelle les vasodilatateurs).
Dans sa présentation, le Pr Marc HUMBERT, chef de service de pneumologie et soins intensifs respiratoires, coordonnateur du centre de référence de l’hypertension pulmonaire (CHU Bicêtre, AP-HP, Le Kremlin-Bicêtre), a rappelé les nombreux progrès réalisés ces dernières années dans la compréhension des mécanismes cellulaires et moléculaires de l’HTAP. Une voie particulièrement intéressante est celle du gène BMPR2 dont les mutations expliquent la majorité des formes familiales (ou héritables) de la maladie. Ce gène code pour une protéine appelée BMPR-II qui est un récepteur de la famille d’un facteur de croissance appelé TGF-β. Lorsqu’elle est activée, cette voie du BMPR-II limite la multiplication et l’accumulation des cellules vasculaires dans les parois des artères pulmonaires. Lorsque la voie BMPR-II est altérée par des mutations, il s’installe un déséquilibre au profit de la voie du TGF-β et de l’activine qui favorise un remodelage artériel pulmonaire qui est commun à beaucoup de formes d’HTAP.
Dans ce contexte, le sotatercept fonctionne comme un piège à ligands d’un récepteur de l’activine. Cela va permettre de rééquilibrer la balance entre ces deux voies, et ainsi restaurer au moins en partie l’homéostasie vasculaire.
« Ce traitement ne pas va remplacer les vasodilatateurs, mais sera additionné aux thérapies actuelles » indique le Pr Marc HUMBERT.
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Les actualités dans le traitement de l’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique
L’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique est une forme d’hypertension pulmonaire due à des séquelles d’embolie pulmonaire. Elle bénéficie d’une prise en charge spécialisée comportant différentes possibilités de traitements complémentaires. Elle représente probablement la cause où l’on a observé le plus de progrès au cours de ces dernières années, à la fois dans le diagnostic et le traitement.
Le Dr Xavier JAIS, pneumologue au centre de référence de l’hypertension pulmonaire (CHU Bicêtre, AP-HP, Le Kremlin-Bicêtre), rappelle les mécanismes qui peuvent entraîner le développement de cette maladie, d’une part, par l’obstruction mécanique des artères pulmonaires (distales et proximales) par des caillots cicatriciels fibreux, et d’autre part, par l’obstruction progressive des petits artères pulmonaires (0,1 à 0,5 millimètres de diamètre) entraînant un remodelage vasculaire et un épaississement des parois des artères pulmonaires (semblable à celui retrouvé dans l’HTAP).
Le traitement de l’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique selon la localisation des lésions
L’endartériectomie pulmonaire est un traitement chirurgical. Elle consiste à déboucher les artères pulmonaires de gros calibre en retirant les caillots fibreux. Elle est le traitement de choix quand le patient est opérable, c’est-à-dire lorsque les lésions au niveau des artères pulmonaires sont accessibles par chirurgie.
L’angioplastie pulmonaire permet de traiter les lésions localisées dans les artères pulmonaires de petit calibres. Elle permet de traiter les patients atteints de formes inopérables ou dont la maladie persiste après chirurgie.
Quant aux traitements médicamenteux vasodilatateurs, ils ciblent la microvasculopathie c’est-à-dire l’épaississement de la paroi des artères pulmonaires (voir figure 3).
« Selon la localisation des lésions, certains patients peuvent bénéficier de l’association successive de ces différentes options thérapeutiques » souligne le Dr Xavier JAIS.
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Une nouvelle étude IMPACT CTEPH (NCT04780932)
Elle a pour objectif de comparer l’efficacité et la sécurité d’emploi d’une bithérapie orale d’emblée par deux vasodilatateurs (riociguat, macitentan) à celles d’une monothérapie orale standard (riociguat, placebo) avant angioplastie pulmonaire chez des patients atteints d’une hypertension pulmonaire thromboembolique chronique inopérable nouvellement diagnostiquée et n’ayant reçu aucun traitement. Cette étude multicentrique, randomisée, contrôlée, en double aveugle contre placebo a débuté et elle inclura 96 patients qui recrutés au sein du réseau français de l’hypertension pulmonaire
En France, il existe deux centres où est réalisée l’angioplastie pulmonaire : au centre de référence du CHU de Bicêtre AP-HP – Hôpital Marie Lannelongue et à l’Hôpital de Grenoble.