Le mardi 12 décembre, avaient lieu les 7èmes rencontres sur les maladies rares, à la Maison de la Chimie (Paris 7e), en présence de Madame Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la Santé et de la Prévention, chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé.

Madame le ministre délégué, Agnès Firmin Le Bodo, a introduit cette matinée d’échanges en rappelant l’engagement financier de l’État qui a consacré plus d’un milliard d’euros aux maladies rares au travers des 3 plans successifs mis en place depuis 2005. Elle a exprimé ses remerciements à l’ensemble des acteurs du domaine notamment les centres experts, les filières de santé maladies rares, les associations de patients et a présenté les 4 groupes de travail constitués pour élaborer le futur 4ème plan national maladies rares (PNMR) sous la coordination des Prs Agnès Linglart et Guillaume Canaud tout deux également présents dans la salle :

  • Le parcours de vie et de soin, des territoires à l’Europe ;
  • Le diagnostic : observatoire, lien avec le PFMG2025 pour la médecine génomique, la formation et la fœtopathologie ;
  • L’accès aux traitements et à l’innovation ;
  • Les données de santé et biobanques.

Madame le ministre délégué a conclu ses remarques en soulignant que les thématiques liées aux maladies rares nécessitent des approches transversales, englobant à la fois le soin et la recherche, ainsi qu’une coordination à l’échelle européenne.

Cet événement annuel s’est ensuite déroulé autour de trois tables rondes qui ont permis aux acteurs maladies rares, d’horizons divers et complémentaires, d’aborder les ambitions du futur PNMR4, l’évaluation pour l’accès aux thérapies rares ainsi que les pistes de réflexion pour dynamiser la recherche.

Cette 1ère table ronde a réuni 8 personnalités :

Anne-Sophie Lapointe a rappelé l’importance de la place de l’Alliance maladies rares qui permet d’avoir des interlocuteurs pour remonter les problématiques associatives du terrain. « L’objectif est de placer la personne malade au cœur de nos actions et décisions politiques ». Elle a pu dresser le bilan des 3 PNMR aussi bien sur le plan intérieur qu’extérieur :

  • un atout, la structuration qui est enviée par de nombreux pays européens. Elle s’illustre par la labellisation de centres experts sur tout le territoire, assurant un maillage national, fin, au plus près des patients. Actuellement, 603 centres de référence sont labellisés et financés, soit une augmentation de 28 % avec une montée en compétence des centres. En parallèle, la montée en charge de l’expertise des traitements comme la thérapie génique qui nécessite une approche spécifique et un accompagnement adapté.
  • la structuration importante au niveau politique publique à avoir avec les territoires en lien avec les dispositifs d’appui à la coordination (DAC), la médecine de ville, les « kinés », en tant que sentinelles orientant les patients atteints de maladies rares vers les experts locaux. Ainsi, la sensibilisation et la formation de ces acteurs sont cruciales pour susciter le doute : « et si c’était une maladie rare ? » ;
  • la nécessité de collaborer avec les autres plans comme celui de France médecine génomique – impasse diagnostique – est également soulignée, exigeant des actions de formation comme pour les essais cliniques vers les associations de patients, et les professionnels de santé, sur tout ce qui concerne le développement des médicaments en impliquant les agences telles que l’ANSM et la HAS ;
  • au niveau externe, la France a un rôle pionnier à l’Europe avec la coordination de 7 réseaux européens de référence (ERN) parmi les 24 existants. Ces réseaux bénéficieront d’un financement de 22 millions d’euros de la Commission européenne au cours des 5 prochaines années. Un travail notamment sur l’interopérabilité va être entrepris par la DGOS qui va guider un groupe de travail sur le data management pour le partage de données entre les centres experts et les registres européens en s’appuyant sur la structuration de la BNDMR qui peut permettre de faire le pont entre la France et l’Europe.

Pour Anne-Sophie Lapointe, le mot clé est « structuration », soulignant la nécessité d’une organisation solide et d’outils appropriés pour édifier à un niveau supérieur.

Président de cette 1ère table ronde, Philippe Berta a alors pris la parole et s’est présenté comme un simple observateur. Il a félicité le succès du Téléthon 2023 qui a beaucoup parlé des « maladies rares » preuve que le terme imprime les consciences et a souligné « qu’il ne faut rien lâcher ». Il note 2 points d’éveil – le diagnostic et l’accès à la thérapie :

  • En sa qualité de généticien, il ne peut se satisfaire des délais d’accès à la génétique surtout dans un contexte où les thérapies émergent, mais leur application devient compromise en raison de diagnostics tardifs ;
  • à l’autre extrémité de la chaine, il a pointé du doigt les 3000 essais cliniques dans le monde relatifs à la thérapie génique et cellulaire. Dans cette perspective, il a insisté sur la nécessité de se préparer adéquatement et de réfléchir à la manière de faire fonctionner l’ONDAM, le système de financement des médicaments, sinon « ce serait s’exposer à de futurs scandales de santé publique ».

Il conclut son intervention en rappelant que toute la chaine de valeur de la recherche fondamentale à la thérapie doit être impliquée. « Nous sommes un domaine à part. Dans le domaine de la santé, nous sommes couverts par 11 organismes nationaux de recherche, plus d’une vingtaine d’instituts, tous les CHU, toutes les universités, 1880 entreprises et 550 000 emplois. Nous ne pouvons pas être considérés comme d’autres secteurs scientifiques. »

Hélène Berrué-Gaillard a parlé de démocratie en citant Madame Agnès Firmin Le Bodo : « des actions concrètes dans le quotidien des malades » ne signifie pas que le plan ne doit pas être ambitieux. Les maladies rares ne se conforment pas aux normes établies par notre système de santé, et pour les intégrer, il est impératif de faire preuve de créativité, d’inventivité, et de sortir des sentiers conventionnels. Elle met en exergue la nécessité de faire connaitre les maladies rares, le faire savoir, de communiquer efficacement, et de ne pas se laisser enfermer, étant donné que 3 millions de Français sont concernés, avec 70 % des cas se manifestant pendant l’enfance, caractérisés parfois par des atteintes systémiques complexes. Elle a insisté sur l’importance de faire du parcours de vie un pilier central du 4ème plan afin que les enfants atteints de maladies rares soient inclus, et puissent grandir au mieux pour devenir des adultes maladies rares.

Elle ajoute que les plans successifs ont contribué à édifier les étages d’une maison, mais qu’il est maintenant impératif que les acteurs collaborent sans silo, et cite en exemple le groupe de travail interfilière GRIOT pour l’observatoire du traitement qui a été créé par les filières pour être plus performant sans qu’aucun plan ne l’inscrive. Travailler ensemble, acteurs maladies rares et partenaires extérieurs : ANSM, HAS, etc., est essentiel. « Il faut entrer dans le système, s’intégrer, comme dans le DMP pour faire le lien ville-hôpital ».

Elle a conclu en mentionnant que la démocratie sanitaire se finance, et que les acteurs des maladies rares, les associations, et la structure de l’Alliance maladies rares (AMR) construite avec l’AFM ne sont pas suffisamment financés, malgré leur présence, leur disponibilité, leur compétence et leur engagement actif.

Guillaume Canaud a pu présenter brièvement la construction du nouveau plan qui vise à apporter des éléments concrets sans manquer d’ambition. Les quatre axes majeurs de ce plan :

  1. améliorer le dialogue ville-hôpital et la formation pour les médecins, les pharmaciens, les dentistes dans les maladies rares, et la nécessité de se tourner vers les experts pour des conseils spécialisés. Il cite comme autres exemples les problématiques de faire reconnaitre sa maladie, obtenir un crédit, la scolarité, les temps périscolaires, etc.
  2. le diagnostic, son accès, la difficulté pour les patients d’accéder à un diagnostic moléculaire, aux tests, et aux résultats. L’ambition est de réunir les acteurs du diagnostic moléculaire autour de la même table, y compris ceux du secteur privé et les onco-généticiens (biopsies des tissus pour les mosaïques), pour définir des orientations concrètes. « La grande problématique ce sont les variants de signification inconnuesont-ils responsables ou non de la pathologie ? »- ce serait l’occasion de créer des partenariats avec les instituts afin d’avoir des rendus de résultats en 3/4 mois avec des modes de financements circulaires en réflexion. Il en va de même pour le diagnostic prénatal, périnatal où les lacunes sont grandes. Il faut prendre à temps les dépistages même s’il y a peu de patients en France.
  3. l’accès à la thérapeutique car seulement 5 % des maladies rares ont un traitement. L’objectif est d’accélérer les essais cliniques pour rendre les traitements disponibles plus rapidement. Une réflexion approfondie sur les critères d’évaluation, en comprenant mieux l’histoire naturelle de la maladie, est envisagée. Les acteurs impliqués dans cet axe comprennent les industriels, les associations de patients et les agences comme l’ANSM et la HAS.
  4. les biocollections avec les biobanques et les données de santé en s’appuyant sur la BNDMR et les réseaux européens.

Guillaume Canaud a conclu en soulignant la nécessité d’accompagner financièrement ce plan ambitieux pour assurer sa mise en œuvre.

Olivier Blin aborde ensuite la question des collaborations public/privé en mettant en avant l’exemple de la seule organisation nationale F-CRIN, où tous les acteurs sont considérés sur un pied d’égalité. Il souligne l’inclusion, dans ce nouveau plan, de patients, d’académiques, de centres de recherche, d’industriels, et de toutes les personnes impliquées quotidiennement dans la prise en charge des maladies rares. Il présente ensuite les objectifs d’OrphanDev, axés sur divers aspects comme l’opérationnalisation de la recherche clinique à l’image des CLIP2 pour le cancer. Ils travaillent sur la méthodologie, avec la HAS en explorant l’idée des données immatures qui pourraient être complétées avant l’évaluation formelle. De plus, ils se penchent sur la pharmacovigilance avec une proposition qui va être soumise à la coordination du plan car il y a des spécificités liées aux maladies rares : rapport bénéfice/risque, repositionnement de médicaments avec des signaux qui peuvent réapparaitre lors d’usage hors-AMM, etc. Cette discussion devrait s’étendre à l’échelle européenne pour créer un groupe multimodal et intégratif.

Caroline Thureau retrace l’innovation technologique dans le domaine du cœur de métier d’Illumina, le séquençage, la génétique, la génomique en rappelant qu’en 2001, le premier séquençage du génome avait nécessité 13 ans, impliquant une vingtaine de laboratoires internationaux et plus de 130 millions de dollars. Aujourd’hui, le séquençage du génome d’un patient peut être effectué en 24/48 heures pour quelques centaines d’euros, marquant une véritable révolution technologique. Elle a souligné deux objectifs majeurs de cet outil mature :

  • réduire l’errance et l’impasse diagnostiques ;
  • renforcer les besoins et outils de la recherche médicale et clinique car il faut pouvoir structurer, utiliser, réinterroger ces données.

En ce qui concerne l’état des lieux du PFMG2025, l’enjeu majeur est de pérenniser la médecine génomique et de l’inclure au parcours de soins avec 2 plateaux techniques, ayant reçu 22 000 prescriptions de génomes pour les maladies rares. Elle mentionne également comme point positif, la révision de la loi de bioéthique qui permet aujourd’hui de tester 13 pathologies dans le dépistage néonatal. Pour elle, en préconisations, il faut accompagner/sensibiliser les professionnels de santé à l’utilité de la médecine génomique, d’impliquer/intégrer la génomique au plus tôt dans le parcours de soin du patient atteint de maladie rare comme pour les patients en situation critique, en néonatologie, afin d’obtenir des résultats en une semaine. En perspectives, elle aborde le projet pilote qui vise à évaluer le bénéfice sociétal et économique, ainsi que l’acceptabilité du dépistage néonatal. Ce projet prévoit l’inclusion de 2 500 nouveau-nés en 2024, pour atteindre finalement 20 000 nouveau-nés. Enfin, elle souligne la nécessité de structurer, standardiser et centraliser toutes les données dispersées dans les centres, car cela représente une perte de valeur pour des projets aussi importants. « Plus on attend, plus cela deviendra difficile à réaliser ».

Yannick Fontes présente BioMarin, entreprise biopharmaceutique qui travaille dans 5 aires thérapeutiques avec 5 produits pour lesquels il n’existe pas de traitement alternatif. Il reprend les notions d’accès au diagnostic, au soin et à la thérapeutique ainsi que l’augmentation de la compétence liée aux plans nationaux maladies rares.

Il a soulevé la question de l’inclusion de tous les acteurs, mettant en avant OrphanDev comme une plateforme exceptionnelle à potentieliser à tous les niveaux car le plan maladies rares s’inscrit dans un contexte général : PFMG2025, situation hospitalière complexe, performance/soutenabilité du système soulignant la nécessité de s’interconnecter avec l’ensemble du périmètre. Le développement de thérapies innovantes est un véritable enjeu. Dans 17 % des cas, la R&D de médicaments orphelins aboutit à une mise sur le marché. Il aborde également la notion d’évaluation clinique et économique qui n’est pas toujours adaptée aux thérapies innovantes. Pour conclure, il a insisté sur la nécessité de rester concret en réunissant autour de la table des professionnels de la santé, des administrations, des directions hospitalières et des associations de patients, notamment dans le cadre des accès précoces où les aspirations peuvent différer des réalités hospitalières.

Marina Vasiliou, présente son entreprise de biotechnologies américaine, Biogen, bénéficiant de 45 années d’expérience. Forte d’une carrière internationale, elle a travaillé dans 7 systèmes de santé à l’étranger (Allemagne, Moyen-Orient, USA, Canada), elle voit les atouts de la France comme :

  • la planification pluriannuelle : considérée comme l’atout principal, la planification à long terme offrant un cadre solide pour la prise en charge des patients ;
  • la structuration de la prise en charge : elle souligne l’importance des centres de référence maladies rares (CRMR) et des centres de compétence maladies rares (CCMR), ainsi que du maillage territorial, afin de permettre un diagnostic précoce pour un plus grand nombre de personnes ;
  • Les accès précoces et compassionnels : qui sont également un atout, permettant une prise en charge rapide, car au Canada par exemple, il faut recommencer le process à chaque fois ce qui fait perdre 3 ans.

Pour Marina Vasiliou, les enjeux sont de fluidifier les parcours de soin, avec une coordination hôpital-ville, pluridisciplinaire, pour l’accès au soin de support. Elle souligne l’importance de l’amélioration de l’expérience patient, notamment dans le cadre des essais cliniques, pour mieux comprendre la réalité des parcours de soins. L’innovation est également cruciale, nécessitant des financements pluriannuels pour des maladies chroniques et l’adoption de nouvelles technologies de diagnostic, contrairement au PLFSS annuel. Elle insiste sur la nécessité d’un système d’évaluation adaptée pour des maladies présentant de petites populations de patients, souvent sans traitement existant en comparaison. Enfin, elle évoque le recueil de données en vie réelle, soulignant que cela commencera dès maintenant avec la BNDMR pour l’ataxie de Friedreich.

Cette 2ème table ronde a réuni 5 personnalités :

Yannick Neuder a parlé de signaux à donner aux patients, à l’industrie pharmaceutiques et aux pouvoirs publics. Il faut parvenir à décloisonner la recherche avec l’industrie, reconnaitre les compétences des experts, des sociétés savantes avec un contrôle des conflits d’intérêts certes, cela n’empêchant pas de participer au processus qui permet d’être le plus efficient possible. Il plaide auprès de la HAS pour que les sociétés savantes soient autour de la table, pour que ces sujets de niches, à très haute valeur ajoutée d’expertise, soient abordés avec des experts qui accompagnent la décision politique, publique. Dans un pays de grande recherche médicale, il rappelle qu’il n’est pas acceptable d’avoir des délais aussi longs, que des patients soient obligés d’aller à l’étranger pour accéder à des thérapeutiques, que les molécules soient mises en ASMR5 (amélioration du service médical rendu) et n’aient plus accès à aucun remboursement notamment à la liste en sus et cela sans étude d’impact. Il regrette comme Caroline Thureau, dans la précédente table ronde, le PLFSS sans pluri annualité des financements pour ces sujets qui vont se porter dans le temps, pour donner des signaux incitatifs qui permettent de donner envie d’investir dans la recherche en France. Selon lui, il faut revoir la clause de sauvegarde pour renforcer notre souveraineté sanitaire, notre industrialisation dans l’intérêt des patients. Enfin, pour la formation, il mentionne qu’il faut accepter que tout le monde ne soit pas formé sur tout car justement les centres de référence sont là pour être extrêmement performants.

Neil Bernard présente sa société à mission, Chiesi France, puis a pris la parole sur les parcours qu’ils soient de santé, de soins, de diagnostic, ou de dépistage, simplement pour dire que l‘impact, cette notion de vie réelle, le quotidien, la gestion par les aidants est une thématique clé qui n’est pas assez prise en compte dans les évaluations.

Comment avancer au delà des critères méthodologiques ? L’arrivée d’un traitement devrait être une bonne nouvelle, indiquant que les obstacles du développement clinique ont été surmontés, et l’autorisation de mise sur le marché a été obtenue, témoignant d’un rapport bénéfice/risque favorable reconnu au niveau européen. Cependant, selon Neil Bernard, des difficultés subsistent encore au niveau de cette évaluation en France. Selon lui, le 1er sujet est de prendre davantage en compte le parcours de vie, au quotidien des patients, le 2ème est l’expertise médicale de celui qui a contribué à développer la molécule. Il met en garde contre la simple garantie d’indépendance, qui ne garantit pas automatiquement la qualité de l’expertise.

Ronan Le Joubioux présente Alexion, société de biotechnologies qui existe depuis 30 ans. Il souhaite saluer que tout le monde habite dans une maison, citée en exemple à l’étranger, car il y a eu des PNMR qui ont eu des effets remarquables, la richesse des acteurs, industriels, chercheurs et l’administration qui est au carrefour.

Il a noté que, à mesure que la France progresse dans la prise en charge des maladies rares, les attentes deviennent plus élevées et l’attention se porte sur la manière de faire mieux. Une question centrale qu’il a soulevée concerne l’évaluation des médicaments, notant que 33 % des médicaments ayant obtenu une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) européenne entre 2018 et 2021 ne sont pas disponibles en France à la fin de 2022. Il rappelle quelques caractéristiques des maladies rares : rareté de l’expertise, errance diagnostique majeure, connaissance incomplète de l’histoire naturelle, maladies graves, qui arrivent à tous les âges de la vie, qui évoluent plus ou moins rapidement, les patients sont peu nombreux, dispersés, tout cela pose des difficultés méthodologiques.

Comment les surmonter collectivement ? Les études sont robustes (comité éthique, scientifique) et il n’existe pas forcément d’autres possibilités que celles appliquées actuellement. L’AMM Europe et l’évaluation en France ne répondent pas à la même question, la 1ère est l’accès au marché pour s’engager à commercialiser alors que la seconde vise à savoir est-ce que ce médicament est nécessaire, pour qui et à quel prix. Selon lui, les exigences doivent de recouper avec 3 enjeux importants qui doivent prendre en compte les spécificités du rare : adapter / simplifier et faciliter, s’entendre collectivement sur la méthode pour qu’elle soit intégrée par l’évaluateur. Il faut pousser, accompagner, également financièrement, la contribution forte, entendue, indépendante des patients.

Christophe Duguet retrace le parcours visant à faire exister la génétique, les premières cartes du génome, et le nom même des maladies rares, tout en soulignant les avancées dans le domaine de la thérapie génique, avec désormais 20 produits de thérapies géniques sur le marché. Cependant, il s’est concentré sur la question cruciale de l’accès des patients aux thérapies pour les maladies rares et a développé quatre points :

  • Évaluation et tarification : il a remis en question le modèle d’évaluation basé sur une note de 1 à 5 pour marquer l’intérêt, soulignant qu’il faut sortir de cette idée de réduire tout à une note unique pour une évaluation unique.
  • Types d’évaluation : il a distingué deux types d’évaluation, l’une pour l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) et l’autre pour l’accès au produit. Il a noté que l’AMM européenne est satisfaisante mais a souligné la nécessité de collecter dès les essais cliniques des données de qualité de vie, données qui sont souvent absentes pour l’évaluation de l’accès au produit.
  • Niveaux d’Incertitude : il a abordé le problème des produits arrivant de plus en plus tôt avec des niveaux d’incertitude variables. Il a suggéré d’ajouter une note d’incertitude, la qualifier, et d’adapter les conditions d’accès au marché en conséquence.
  • Évaluation des besoins : il a insisté sur le manque d’évaluation des besoins, tant en termes de ressources humaines et paramédicales que d’actes nécessaires pour collecter les données et atteindre les patients dans les systèmes hospitaliers.

En conclusion, il ajoute que l’accès à des thérapies pour les maladies rares ne doit pas être uniquement l’accès par un laboratoire. Ainsi, pour les produits sans modèle commercial et sans investissement, notamment pour les maladies rares qui touchent moins d’un patient par million, il a appelé à trouver un autre système.

Karine Nguyen se consacre plus spécifiquement aux 30 % des maladies génétiques de l’adulte qui, bien que débutant plus tardivement, ne sont pas moins graves. Elle est confrontée à des malades ou à des maladies qui vont se déclarer plus tard comme les maladies neurodégénératives, neuromusculaires, cardiaques, rénales. En tant qu’interface avec les spécialistes d’organes, elle souligne que ces derniers peuvent parfois avoir du mal à accepter des niveaux de preuves modérés pour certains traitements, ce qui peut entraîner des réticences à dispenser des traitements coûteux.

Sur le plan humain, au niveau hospitalier, les contraintes budgétaires contraignent la prise en charge des patients, la demande d’enquête génétique pour les patients mais aussi la mise en place d’essais cliniques. Il manque de nombreux médecins généticiens et elle mentionne les conseillers en génétique qui existent depuis 30 ans et qui prêtent main forte dans les services grâce à la modification de la loi de bioéthique. Dans ce contexte difficile, le partenariat avec l’industrie pharmaceutique est essentiel du début à la fin du parcours de cette innovation thérapeutique car c’est aussi le soutien aux projets de recherche fondamentale à l’origine de ces innovations.

Elle souligne l’importance d’adapter le discours auprès des patients, en évitant les effets d’annonce sensationnels tels que ceux associés aux technologies CrispR/CAS9, et en évitant de susciter un espoir thérapeutique trop utopique. Elle met également en évidence les défis liés au flou entourant le processus conduisant à la disponibilité des traitements, ce qui complique la tâche des experts de la pathologie qui ne sont pas directement impliqués dans l’évaluation. Le temps est toujours trop long pour les patients quelques soient les résultats obtenus en recherche clinique.

Cette 3ème table ronde a réuni 6 personnalités :

Elle siège à la commission des affaires sociales. Elle félicite l’initiative de ce colloque et cette table ronde autour des enjeux de dynamisation de la recherche qui prend tout son sens car il existe une grande absence de traitement efficace, spécifique qu’il faut développer dans un cadre de valeurs éthiques et de garantie de la vie privée.

Au niveau parlementaire, elle souligne que la loi de finance de la sécurité sociale de 2022 a réservé une enveloppe de 50 millions d’euros pour la recherche sur les maladies rares. Dans le cadre de l’initiative France 2030, un montant significatif de 1,7 milliard d’euros a également été alloué pour renforcer les capacités de recherche médicale, englobant des domaines tels que la santé numérique, la génomique et la thérapie cellulaire. Le programme européen, au sein duquel la France jour un rôle moteur, est doté d’un budget de 5,3 milliards d’euros pour renforcer les données relatives à la santé, les outils, et les services numériques.

Aujourd’hui, de nouveaux dispositifs ont fait leur entrée dans notre quotidien, comme l’IA et la médecine génomique. Il est donc nécessaire de se les approprier car ils ouvrent un domaine de recherche prometteur : diminution de l’errance diagnostique, prévention, thérapie ciblée. Néanmoins, il est essentiel de reconnaître que ces outils soulèvent également des défis complexes sur les plans éthique, juridique et social, notamment en ce qui concerne la protection des données, le consentement des patients, l’accès aux résultats et les implications en matière de traitement.

Comment utiliser des données privées, personnelles dans une stratégie de santé publique, dans un cadre législatif soucieux du respect de valeurs éthiques et de la vie privée ? Elle rappelle alors les derniers textes de loi adoptés en ce sens : la loi de modernisation du système de santé de 2016 qui pose un cadre juridique et permet d’exploiter les données pour la recherche ; la loi de bioéthique de 2021 vient renforcer ce cadre pour la recherche sur les cellules souches et l’embryon. Au niveau gouvernemental, en complément de ces textes de loi, des recommandations de bonnes pratiques ont été éditées pour guider l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) dans le domaine de la santé.

La chercheuse académique, spécialisée dans une branche de l’intelligence artificielle, le machine learning, souligne la nécessité d’élargir les horizons au-delà de la génomique, en explorant des domaines tels que le transcriptomique et la métabolomique. En ce qui concerne l’intelligence artificielle, elle plaide également en faveur d’une expansion des approches computationnelles. Trois enjeux majeurs émergent de son témoignage :

  • Attirer les jeunes talents du domaine des mathématiques / informatique appliqués, en les approchant directement, en leur démontrant la portée significative de leur travail, et en mettant en lumière la contribution précieuse qu’ils peuvent apporter à l’avancement de la santé grâce à leurs compétences ;
  • Co-construire des projets entre des personnes qui ne se connaissent pas, accompagner les biologistes/médecins des possibilités offertes par les avancées en intelligence artificielle, tout en aidant les ingénieurs, les étudiants en master et les doctorants en IA à acquérir une double culture, comprenant à la fois les données et la biologie. L’objectif est de créer des projets collaboratifs qui exploitent les synergies entre ces différentes expertises ;
  • Présence de fat data, des données complexes avec un grand nombre de paramètres mais peu de points de données (patients), qui posent des défis spécifiques. Les algorithmes d’IA actuels ne sont pas toujours performants sur ce type de données. La chercheuse souligne la nécessité daider les algorithmes à converger vers des solutions qui sont biologiquement pertinentes et interprétables. Cela implique des collaborations entre les médecins, les biologistes, les professionnels de l’IA pour transférer de la connaissance humaine au système d’IA.

Pour être concrète et illustrer ses propos, elle prend le parti de raconter une histoire sur une maladie rare, dont le gène est connu, diagnostiquée précocement, qui touche au maximum 500 patients dans le monde, pour laquelle 3 médicaments orphelins existent et 3 essais thérapeutiques sont menés à travers le monde (UK, Italie, USA). Malgré les investissements considérables et les données stockées dans différents centres hospitaliers, l’absence de mise en commun de ces données crée des silos d’information. Pour ces médicaments, il existe des mises précoces sur le marché, avec des données à recueillir. Cependant, les informations recueillies lors des consultations, telles que des observations sur le sommeil, la raideur, les pleurs, où vont-elles ? À quoi servent-elles ?

Pour donner un exemple concret, elle mentionne une étude portant sur deux patients atteints de la maladie rare, examinant 12 caractéristiques majeures à différents stades de leur vie (néonatal, à 3 ans et à 6 ans). En analysant ces données, ils ont identifié une mutation génétique spécifique chez ces deux patients. En élargissant la recherche à 800 000 rapports médicaux, ils ont réussi à trouver quatre patients partageant une similarité élevée, dont trois présentaient des pathologies génétiques apparentées et le quatrième avait la même mutation. Cette démonstration illustre la puissance de l’intégration des données patient pour une compréhension approfondie des maladies rares. La chercheuse souligne que pour surmonter ces défis, il est impératif de travailler tous ensemble pour utiliser même nos vaches maigres avec nos comptes rendus, les essais thérapeutiques. Dynamiser c’est le 1er niveau, les 3 autres points :

  • Donner envie aux jeunes de venir travailler sur l’IA, les faire vibrer ;
  • Arrêter de diaboliser les cofinancements, les conflits d’intérêt car nous avons besoin de cette collaboration dans les règles, dans le cadre de la loi avec les industriels comme les associations ;
  • Faire des modèles computationnels, du phénotypage extensif où tout ce qui vient du patient est sacré, noté, pris en compte car c’est comme cela que nous apprenons.

D’un point de vue purement IA, pour dynamiser la recherche, il dénombre 6 points :

  • Identifier, gagner du temps pour aller jusqu’au patient car il y a 93 % d’échec en général dans la santé ;
  • Collecter, ranger correctement les données ;
  • Analyser et « converger biologiquement » comme le disait le Pr Stoven ;
  • Donner envie aux jeunes de se former, de rester en France, d’aider à développer aussi bien l’early stage très tôt dans le développement et le screening de molécules et jusqu’à l’accès au marché avec l’évaluation ;
  • Valider : la FDA (Food and Drug administration – USA) a autorisé 13 solutions d’IA mais une seule est robuste. Il aborde alors le jumeau numérique, l’IA générative. Il cite en exemple pour PTC Therapeutics, une maladie qui touche 1 patient par an en France, il faudra donc au moins 10 ans pour collecter les données pour 5 patients sur 5 ans, il faut donc l’aide de l’IA pour accélérer.
  • Valoriser les données, les financer, c’est ce qui pêche avec l’évaluation actuelle qui prône d’anciens modèles.

Janssen est la filière pharmaceutique de Johnson & Johnson depuis 130 ans pour développer de nouvelles molécules et solutions thérapeutiques, et s’adresse aujourd’hui à une quinzaine de maladies rares et développe une première thérapie génique pour la rétinite pigmentaire liée à l’X. 80 % des maladies rares sont d’origine génétique et 95 % des maladies n’ont pas de traitement curatif. Ils sont persuadés qu’il faut mutualiser les expertises, les ressources financières, pour partager les risques/l’incertitude. En 2020, ils ont lancé un programme IA/génomique avec une équipe R&D sur le territoire, avec plus de 40 millions de dollars pour la partie IA/génomique et -omics. Bien que la France présente des atouts tels que l’expérience scientifique, médicale et des plans tels que le PFMG2025, les PNMR, les filières et le plan France innovation, Janssen fait face à des défis dans l’établissement d’une interface public/privé, en comparaison avec d’autres pays comme l’Angleterre. Dans le contexte de concurrence mondiale, cette notion de vitesse est importante et cela peut être un point bloquant. Heureusement, ils ont pu être partenaires de PRAIRIE, de l’institut Pasteur et l’institut Curie, pour tester de nouvelles approches. Dans ce processus où il faut intégrer tous les acteurs, l’expertise des filières, le point de vue des associations de patients, elle relève 3 défis :

  • l’acceptation/l’acculturation par les pouvoirs publics de ces nouvelles technologies comme évidence, des preuves notamment pour les évaluateurs. Elle salue les travaux de l’Agence innovation santé qui œuvre en ce sens, ainsi que PRAIRIE.
  • l’attractivité et le financement sont des enjeux, mais la représentante de Janssen souligne que le financement ne devrait pas être un obstacle, car il devrait intégrer les économies réalisées grâce à ces innovations. Il est également crucial d’évaluer dans le temps l’efficacité de ces innovations et d’anticiper celles à venir pour garantir une préparation adéquate et sécuriser leur intégration.
  • les données, la data : accès, structuration, typologie des données, profondeur. Il est difficile de savoir quelle est la valeur des bases actuelles, ce qui est réutilisable, l’interopérabilité, la collecte en vie réelle pour le financement qui doit s’étaler dans le temps, il faut donc s’assurer de collecter les bonnes données.

En résumé, Janssen met en avant l’importance de la collaboration, de l’acceptation des nouvelles technologies, de la planification financière et de la gestion efficace des données pour faire progresser la recherche et le développement dans le domaine des maladies rares, de l’IA et de la génomique.

Ni scientifique, ni médecin, le député est venu aux maladies par les rencontres de patients, de proches aidants. Dans la conclusion de cette matinée dédiée aux enjeux des maladies, qu’est ce qui importe ?

« Nous devons être des passeurs de messages pour trouver des réponses règlementaires, législatives et pour convaincre les instances gouvernementales de l’opportunité des remarques faites aujourd’hui pour les appréhender différemment comme les données qui ont pu être évoquées ». Il faut pouvoir les utiliser, les traiter sans qu’il n’y ait aucun risque pour la confidentialité du patient. Il reprend le terme de convergence, l’amener pour le tout à chacun, convaincre de l’utilité du financement, des moyens supplémentaires à apporter ou de la réorganisation des moyens à envisager.

Serge Guérin, sociologue et animateur de ces rencontres, a conclu cette matinée d’échanges en notant que « ce qui est joli dans cette notion de maladies rares, comme le disait Georges Orwell, c’est l’essence commune. Il a noté des personnes qui ne sont pas dans la plainte, qui s’écoutent, qui cherchent, qui ont beaucoup d’envie de coopérer malgré des intérêts qui peuvent diverger et c’est une belle preuve de démocratie. »

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