Le mercredi 7 décembre, l’équipe RespiFIL s’est rendue aux 6èmes rencontres sur les maladies rares qui se sont tenues à la Maison de la Chimie (Paris 7e) et qui ont faits salle comble.

Cet événement annuel a réuni, autour de 3 tables rondes, députés, autorités compétentes, laboratoires pharmaceutiques, professionnels de santé et associations de patients tous impliqués dans la lutte contre les maladies rares pour aborder entre autres le futur plan national maladies rares (PNMR), les accès aux médicaments, la recherche & le développement alors que le focus a été mis cette année sur l’errance diagnostique.

En ouverture, Philippe Berta, député du Gard, président du groupe d’études « Maladies Rares » a introduit la journée en rappelant les difficultés du secteur du soin (déserts médicaux, réorganisations des hôpitaux, etc.) et a invité les acteurs du domaine à “ne rien lâcher” pour que le terme de maladies rares imprime les consciences. Il a reconnu que le travail d’acculturation débuté est encore long mais il devrait permettre de faire comprendre que ne pas traiter les patients coûte cher à la société, que la recherche est un pilier économique majeur.

Un haut niveau d’exigence des contenus du futur PNMR doit être maintenu, il faut poursuivre les efforts du diagnostic, faire entrer le mot “thérapie” et repenser le modèle économique dans ce domaine.

Laurence Tiennot-Herment, présidente de l’AFM-Téléthon, du Généthon et de l’Institut de myologie a pris la parole la première pour dérouler le calendrier 2023 et évoquer la nécessité d’aller vite pour enclencher les groupes de travail d’évaluation du 3ème PNMR, pour un nouveau plan dès 2024 avec des financements associés. Elle a pu insister sur un pilotage interministériel du plan qui implique davantage la recherche et l’industrie en termes d’affichage puisque 95 % des maladies sont sans traitement. Elle rappelle que beaucoup d’innovations trouvent leur source à l’hôpital, il faut sécuriser cette innovation notamment les essais en milieu hospitalier, le suivi des médicaments innovants.

Hélène Berrué-Gaillard, présidente de l’Alliance maladies rares (AMR), a indiqué qu’avoir un plan, c’est pouvoir mesurer les objectifs, cela impose une transparence, ce qu’il faut revoir. Pour l’Alliance, “ne pas avancer, c’est reculer, et avoir un 4e plan, c’est avancer vu le contexte actuel“. Comme axes :

  • poursuivre l’observatoire du diagnostic, travailler sur le lien ville / hôpital pour arriver plus rapidement au guichet unique, aux centres experts et au diagnostic alors que l’errance est de 3 ans selon les données de la BNDMR ce qui est long, trop, surtout en pédiatrie ;
  • poursuivre l’observatoire du traitement pour le reclassement de molécules, la prescription en accès précoce / compassionnel ;
  • poursuivre l’ouverture du dépistage néonatal (DNN) à d’autres pathologies ce qui permettra une prise en charge améliorée des enfants dépistés ;
  • développer le médico-social, la place de l’intelligence artificielle, etc.

Anne-Sophie Lapointe, cheffe de projet de la Mission maladies rares, Direction Générale de l’Offre de Soins, Ministère en charge de la Santé, a conforté les représentantes associatives de cette 1ère table ronde en réaffirmant que collectivement :

On se doit de faire toujours plus, la force des maladies rares c’est la communauté.

Elle a souligné l’importance d’ouvrir les frontières à l’Europe et d’autres expertises transversales, de travailler mutuellement entre les FSMR et la BNDMR afin de structurer et organiser les plans d’action pour un PNMR4, de diminuer l’errance diagnostique en lien avec le Plan France Médecine Génomique (PFMG) 2025.

Delphine Franchot, responsable affaires publiques maladies rares chez Sanofi France, a rebondi sur l’ouverture du DNN en évoquant les 7 erreurs innées du métabolisme et a pu préciser que les traitement développés ne sont pas forcément accessibles en raison notamment des critères d’évaluation ainsi que des petites cohortes dans les maladies rares.

La Pr Sylvie Odent, chef du service de génétique clinique au CHU de Rennes, coordinatrice du PNMR3, a précisé que le développement des techniques de diagnostic moléculaire et l’adoption du PFMG 2025 était d’un intérêt majeur pour obtenir un diagnostic plus rapide. Autre point évoqué par l’experte, l’importance de la formation sur les maladies rares durant le cursus des études médicales afin de sensibiliser, acculturer et partager les connaissances.

Éric Alauzet, député du Doubs, introduit cette table ronde en notant que pour évaluer, il faut innover, inventer de nouvelles méthodes pour des individus uniques, une médecine personnalisée. Concernant la balance sécurité / efficacité et cette dernière, il évoque la nécessité de prendre des risques, de s’aventurer pour progresser.

Juliette Croquez, directrice de l’accès au marché France Benelux d’Alexion, a pu indiquer de réelles avancées sur les accès précoces, alors qu’en début de PNMR3, les traitements représentaient un désert thérapeutique, que les médecins essayaient de soulager, de prescrire hors du cadre de l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) faute de traitements innovants adéquats. Elle a appelé à la réflexion sur de nouveaux modèles d’évaluation de sécurité / efficacité en recherche et développement thérapeutique vu la complexité à mener des études, avec des critères différents selon les pays : faibles effectifs, absence de traitement comparateur (gold standard). Elle propose la mise en place de la modélisation par l’intelligence artificielle. En ce sens, elle rappelle qu’en 2021, Olivier Véran, alors Ministre des Solidarités et de la Santé, a adressé une saisine à la Haute Autorité de Santé (HAS) qui demande d’examiner, une nouvelle fois, sa méthode d’expertise des nouveaux types d’essais cliniques.

Véronique Schmitt, directrice de l’accès au marché, affaires gouvernementales et développement nouveaux produits de Janssen a cité plusieurs problématiques liées au développement des médicaments sur les maladies rares : petites cohortes, absence de bras comparateurs, effet du traitement à court terme, données immatures pour les attentes des instances réglementaires, collecte des données en vie réelle, etc. et pour y remédier elle aborde l’adaptation de ces critères aux maladies rares, en observant les aspects de qualité de vie, médico-économiques / budgétaires impliquant également les aidants. Elle évoque, elle aussi, les nouvelles approches méthodologiques, le recours aux thérapies ciblées (accès précoce) et la reconstitution de bras comparateurs théoriques (intelligence artificielle). Comme tous, elle attend la nouvelle doctrine de la HAS qui devrait paraitre au 1er trimestre 2023.

Puis, Franck Mouthon, président de France Biotech, association d’entrepreneurs du numérique en santé, aborde les aspects financiers avec des dépenses de santé qui augmentent, le besoin de retrouver de la cohérence, d’abaisser le risque, d’apporter de la valeur. Il détaille qu’augmenter la durée d’accès précoce avant la mise sur le marché pourrait permettre une évaluation correcte avec un meilleur recueil des données. Il conclut que si tout est mis en œuvre selon les prérogatives du plan France 2030 “Santé”, une véritable révolution dans ce secteur aura lieu.

Enfin, selon Jean-Philippe Plançon, vice-président de l’Alliance Maladies Rares, la HAS est en évolution « dans le bon sens » et l’accès précoce aux médicaments est un moyen qui permet d’avoir un traitement en cas d’impasse thérapeutique mais soulève notamment la nécessité de fournir les outils d’évaluation adéquats afin d’assurer la sécurité des patients.

Pierre Vatin, député de l’Oise, reprend, après les 2 premières tables rondes, que pour chaque cas particulier, chaque patient, il faut une solution adaptée. Le Pr Stanislas Lyonnet, directeur général de l’Institut Imagine reconnait que poser un diagnostic est un gros défi dans les maladies rares et rappelle l’objectif même de l’Institut : “que chaque patient, la famille, trouvent au même endroit, son médecin, son chercheur“. Il a souligné que l’errance peut être post-diagnostique car il faut orienter, adresser le patient vers le réseau de soins selon sa pathologie et veiller à l’intégration dans la société / professionnelle. Il conclut que la France est un modèle, notamment avec le PFMG2025, le séquençage très haut débit, qui a changé la vie des centres de référence maladies rares mais il appelle à ce que le futur PNMR « libère de l’énergie » au niveau local afin d’encourager les experts médicaux et scientifiques à travailler en étroite collaboration.

Cette 3ème table ronde a permis à la Dr Anne Galy, directrice de recherche d’Integrare (UMR-S951, INSERM, UEVE, Généthon), d’insister sur l’agilité, la nécessité de trouver des moyens / financements/ investisseurs / compagnies qui puissent retourner aux patients, d’inventer un nouveau modèle de commercialisation des médicaments qui permettent des perspectives de mise sur le marché. Elle souhaiterait que la France trouve un équilibre entre les procédures administratives visant à protéger les données et leur exploitation pour la recherche afin d’encourager à développer des traitements innovants malgré les difficultés à mener des études. Enfin, elle note également l’élargissement du métier de chercheur qui doit davantage communiquer (réseaux, site Internet) et le besoin d’accompagnement par des métiers connexes.

La Pr Véronique Paquis, direction générale de la Recherche et de l’Innovation, Ministère en charge de la Recherche, a alors pris la parole pour rappeler la performance, la très bonne qualité de la recherche française dans les maladies rares notamment avec le congrès des 10 ans de l’ANR dans ce domaine, le pilotage de l’EJP-RD. Il existe beaucoup de financements mais elle reconnait un effort de lisibilité et de visibilité à poursuivre. Pour l’utilisation des données, elle insiste sur la nécessité de faciliter ou du moins alléger les procédures administratives permettant l’exploitation des bases de données nationales, en dehors du cadre du soin, pour la recherche.

Arnaud Sandrin, directeur de la BNDMR, conclut cette matinée, en énonçant quelques chiffres importants, 2200 centres experts sont équipés pour collecter les données du Set de Données Minimum (SDM) qui va être repris au niveau européen et 1 million de patients sont déjà présents. Ces bases de données peuvent servir à obtenir des informations sur le parcours de soins et des statistiques sur les maladies rares pour adapter les politiques de santé publique.

Alors que le PNMR3 touche à sa fin, ces 6èmes rencontres sur les maladies rares auront permis de soulever les difficultés rencontrées et de confirmer que les maladies rares représentent un enjeu majeur de santé publique car plus 7000 maladies ont été répertoriées et 95 % sont sans traitement. Plusieurs axes de travail ont été mentionnés afin d’organiser et de structurer le futur PNMR4 dans le but d’améliorer l’accès aux soins, l’accès aux thérapies innovantes et donc d’améliorer, à terme, la qualité de vie des patients.

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