Le colloque s’est déroulé le 18 avril dernier au Ministère de la Santé et de la Prévention à Paris avec une retransmission en direct. Animé par Madame Brigitte-Fanny COHEN, journaliste santé, et organisé par l‘association Collectif Droit à Respirer (ancien états généraux de la santé respiratoire – EGSR) composé de 26 organisations de patients, d’usagers et de professionnels de santé, avec le soutien du Gouvernement et du Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024, ce colloque a réuni les acteurs de la santé respiratoire et environnementale pour une matinée d’échanges autour du thème « Activité physique et maladies respiratoires ».
Pour introduire cette matinée, Madame Marine JEAN-BAPTISTE, conseillère santé publique et One Health du Directeur Général de la santé, a représenté Monsieur Frédéric VALLETOUX, Ministre Délégué, chargé de la Santé et de la Prévention.
En cette année olympique et paralympique, elle a pu rappeler que la Grande Cause Nationale 2024 porte sur l’activité physique et sportive. 10 millions de patients sont affectés par des maladies respiratoires chroniques d’où la nécessité de faire le lien entre la place centrale des stratégies de prévention et l’activité physique.
Elle a ensuite pu retracer l’historique depuis 5 ans du sport-santé dont la création du dispositif des maisons sport-santé qui sont des lieux de proximité de prise en charge, le soutien à l’activité physique adaptée (APA) dans la loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), qui doit être renforcé pour d’autres parcours. Elle a enfin remercié l’auditoire pour les propositions qui émergeront des débats.
Les co-présidents du Collectif, le Pr Chantal RAHERISON-SEMJEN et Monsieur Pierre FOUCAUD ont évoqué sa dynamique depuis ces 3 dernières années, avec une gouvernance qui se structure et le changement de statut du Collectif des EGSR en Association Loi 1901, Collectif Droit à Respirer.
Ils alertent : les marqueurs actuels, dont les projections du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – GIEC et de l’OMS, montrent l’urgence d’agir collectivement pour les patients et les usagers sur les parcours de soin, la lutte contre le tabac, l’amélioration de la qualité de l’air en s’appuyant sur les conseillers médicaux en environnement intérieur (CMEI), l’information sur le handicap invisible, les greffes, et l’encouragement de la pratique de l’APA.
Il est essentiel de déployer les actions concrètes du plaidoyer !
Le Pr Guy JOOS, président de l’International Respiratory Coalition (IRC) sous l’égide de la société européenne de pneumologie (ERS), a ensuite présenté la coalition signée par 15 pays européens, dont la France qui a un rôle d’exemple, ainsi que la boîte à outils mise à disposition de chaque état.
Le Pr Bruno DEGANO, chef de Service de pneumologie au CHU de Grenoble, CCMR de l’hypertension pulmonaire – PulmoTension, a pu expliciter les résultats du concept des origines développementales de la santé DOHaD (Developmental Origins of Health and Disease) qui vise à faire les liens entre diverses expositions dès la vie intra-utérine et la mortalité ou la survenue de maladies chroniques à l’âge adulte.
Dans le cas de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), cette figure du jeu de l’oie va permettre de montrer le nombre d’événements qui s’échelonnent tout au long de la vie.
- Dans le DOHaD, l’environnement autour de la naissance et la probabilité de développer une maladie respiratoire est d’autant plus importante que l’on est entouré de pollution, que les parents soient soumis au tabagisme, qu’il y ait un mauvais recours à des soins (i.e. antibiotiques), que la prématurité soit présente, etc. ;
- Pour la trajectoire de croissance pulmonaire, sans un bon capital de fonction pulmonaire à l’âge de 20 ans, la probabilité d’apparition de maladie respiratoire est d’autant plus forte ;
- Facteurs liés à l’hôte ;
- Expositions à l’âge adulte sur lesquelles il est possible de travailler.
Toutes ces expositions sont associées au fait de pratiquer moins d’activité physique. Chez ces patients adultes, le plus souvent, la trajectoire de vie montre peu d’activité donc l’injonction à faire n’est pas une solution.
“Quand on nait dans un environnement dans l’enfance défavorable, que dans l’adolescence les choses se combinent et que l’on a une certaine sensibilité (asthme mal soigné, pollution…), la probabilité d’avoir un capital pulmonaire faible à l’âge adulte est plus importante.”
L’exercice physique est d’autant moins facile qu’il y a des conséquences de la dysfonction pulmonaire et des exacerbations, événements douloureux pour les patients et qui ont un coût pour la communauté (lits d’hospitalisation). S’ajoutent à ce cercle vicieux, des éléments variables d’un patient à l’autre d’où la nécessité d’individualiser la prise en charge.
Plus l’on a une fonction pulmonaire faible, plus l’on a une probabilité forte d’avoir une activité physique mauvaise donc là encore il faut individualiser car cela augmente le risque d’hospitalisation. À l’inverse, si l’activité physique est instaurée chez des patients BPCO, les probabilités d’exacerbation, de mortalité sont plus faibles donc cela à un poids individuel et collectif que de faire de l’activité physique. Le Pr DEGANO présente pour conclure une étude qui montre qu’à l’issue de la réadaptation, certains patients arrivent à conserver l’activité mais d’autres pas. Il faudra donc pouvoir identifier les obstacles et lever les freins.
Madame Christine ROLLAND, directrice générale d’Asthme & Allergies et le Dr Frédéric LE GUILLOU, président de Santé Respiratoire France ont détaillé les résultats de la mise à jour de l’Observatoire de la santé respiratoire en passant en revue ses 6 axes :
Lutter contre les facteurs de risque – note dégradée :
- accentuer la lutte contre le tabagisme en élargissant les zones non-fumeurs (écoles, hôpitaux) ;
- élargir la prévention vaccinale (VRS, grippe, tuberculose…) ;
- renforcer les conseillers médicaux en environnement intérieur (CMEI).
Faire connaitre la santé respiratoire – note stable :
- collaborer avec la médecine scolaire pour faire passer les messages clés aux élèves de tous âges ;
- mener des campagnes régulières comme Mois sans tabac ;
- mettre en place un plan national.
Reconnaitre le handicap & lutter contre l’exclusion sociale – note améliorée :
- uniformisation nationale des critères d’attribution des prestations ;
- définir dans la législation les maladies respiratoires graves comme handicap ;
- renforcer le rôle des prestataires à domicile.
Mieux dépister – note stable :
- former les professionnels au dépistage du souffle (spirométrie) ;
- autoriser l’accès direct aux pneumologues ;
- sensibiliser aux signes évocateurs (toux, essoufflement).
Accélérer la recherche et l’accès à l’innovation – note améliorée car investissement financier (1,7 milliards France 2030) :
- cadre soutenable et viable de la télésurveillance ;
- promouvoir la participation des patients à la recherche clinique ;
- consulter les parties-prenantes pour le développement du numérique en santé.
Le collectif souligne les points positifs majeurs : l’intégration du dépistage du souffle dans les consultations de prévention aux âges de la vie (même s’il note le manque à l’adolescence) ainsi que la déconjugalisation de l’allocation adulte handicapé cependant il signale également l’urgence à agir pour les axes aux notes dégradées.
Monsieur Dorian CHERIOUX, vice-président Asthme & Allergies, a présenté son parcours de patient expert asthmatique qui était non-sportif au démarrage de la maladie et qui, peu à peu, s’est mis à la pratique sportive jusqu’à courir cette année le Marathon de Paris !
Le Dr Albert SCEMAMA, chef de projet scientifique – service des bonnes pratiques – Direction de l’Amélioration de la Qualité et de la Sécurité des Soins à la HAS, a présenté les recommandations de l’activité physique adaptée comme thérapeutique validée des maladies respiratoires chroniques (BPCO, asthme) : niveau d’intervention, fréquence, etc..
Monsieur Alexis RIDDE, chef du bureau de l’accès aux pratiques sportives tout au long de la vie, Direction des sports – Ministère des sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques – a, lui, rappelé l’historique du développement du sport-santé :
- les années 2000 avec la mise en place de plans régionaux ;
- 2019 : labellisations des maisons sport-santé qui sont des lieux physiques d’accueil, des points de repères comme des guichets uniques ;
- 2022 : la démocratisation du sport avec l’inscription dans la Loi des maisons sport-santé ;
- 2024 : l’activité physique est Grande cause nationale
L’objectif, en cette année olympique, est de faire avancer ces sujets, de les rendre audibles, de faire du plaidoyer aux côtés du Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse et du Ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités.
En parallèle de l’activité physique adaptée (APA), il faut accompagner les fédérations sportives afin qu’elles soient plus accueillantes à ces publics qui ne sont pas dans la performance, la compétition, avec des offres plus inclusives et ludiques.
Il conclut sur le modèle économique sur lequel il faut travailler pour ces maisons sport-santé, la formation des éducateurs en sport-santé / APA d’où la nécessité avec la recherche de montrer les bénéfices de la pratique sportive pour la santé et les finances publiques.
Le Dr Roberta ZANCHI, médecin référent Sport Santé et Prévention Maladies Chroniques, Département Prévention et Accompagnement des Maladies Chroniques, Direction de la Santé Publique – ARS Ile de France, a présenté les inégalités et disparités sur le territoire et le rôle des ARS dans la promotion de l’APA qui s’inscrit dans le programme régional de santé 2023-2028 ainsi que les missions des maisons sport-santé, guichet unique inscrit dans le code de la santé publique, et enfin, la plateforme de prescription d’activité physique Prescri’forme.
Pour conclure cette table ronde, Madame Annabelle GROUSSET, présidente de l’Union des maisons sport-santé, a présenté le parcours d’un patient au travers des 9 missions des maisons sport-santé dont l’information, l’orientation et l’évaluation.
Monsieur Patrice SCANU, patient-expert BPCO exprime son point de vue sur le sport et le handicap respiratoire avec sa pratique du golf mais aussi de balades photographiques où chacun va à son rythme.
Pour lui ” pathologie chronique va de pair avec activité physique chronique “
C’est ensuite Monsieur Jean-Paul VASSEUR, vice-président FFAIR, diagnostiqué il y a 36 ans qui a alterné hospitalisations / cures de réadaptation respiratoire et qui, pour éviter les rechutes, pratique une activité physique ludique (élastique, lancer franc, vélo électrique, piscine…) de façon régulière, en groupe.
Le Pr Alain VARRAY, professeur des Universités en poste à l’Université de Montpellier et président de l’Association Francophone en Activité Physique Adaptée (AFAPA) est intervenu, en vidéo, sur le thème : qu’attendre de la réadaptation respiratoire ? Il a ainsi pu confirmer le haut niveau de preuve de la réadaptation pour la BPCO, l’asthme, la mucoviscidose et a abordé des pistes pour faire durer son effet, garder la motivation : dimension sécuritaire, pédagogie, génératrice de sens, effet de la pratique en groupe. Il conclut sur le fait qu’elle est adaptée à tout patient atteint de pathologie chronique pour diminuer les symptômes de dyspnée.
Enfin, le Dr Guillaume PRIEUR, masseur-kinésithérapeute spécialisé pathologies respiratoires au Groupe Hospitalier du Havre et membre du groupe Alvéole (SPLF), a présenté le rôle de ces professionnels dans l’accompagnement à la réadaptation respiratoire avec notamment le drainage bronchique, l’entraînement à l’effort…. La problématique étant que seuls 10 % des patients en bénéficient car il manque des centres, des prescriptions et que l’acte n’est coté que pour les patients en ALD14 (insuffisant respiratoire chronique) alors que les exacerbations et les hospitalisations diminuent pour les patients traités. Que faire des patients avec fibrose, asthmatiques ?
Il ajoute qu’en thérapie inhalée, il faut traiter 20 patients pour diminuer les exacerbations chez 1 seul alors que pour l’APA, il faut seulement que 3 patients en bénéficient pour que les exacerbations diminuent pour l’un d’eux.
Zélie GAUTRIN et sa maman Blandine ont témoigné sur son parcours depuis ses 4 ans avec une pratique sportive dont l’objectif était de faire durer les progrès de la réadaptation respiratoire. Zélie a également présenté sa routine sportive qu’elle suit à la maison malgré 40 % de capacité respiratoire à 9 ans. Puis Monsieur Adrien RUFFIER a témoigné sur le traitement non médicamenteux de la mucoviscidose avec sa pratique du roller (Roscoff-Paris : 600km), les Virades de l’espoir. Cette expérience lui a permis de passer d’une VEMS de 34 à 45 % ainsi qu’à une meilleure oxygénation du corps en réduisant par 2 sa délivrance en oxygène.
Madame Marie GABORIT, responsable de projets santé à Vaincre la Mucoviscidose, a présenté le soutien financier de l’association pour le matériel mais aussi le personnel ce qui permet actuellement d’avoir 40 enseignants APA dans les 47 centres de ressources et de compétences (CRCM) alors que seulement 9 sont rémunérés par les hôpitaux. Les difficultés majeures sont que ces professionnels n’ont pas de statuts car ils ne sont pas reconnus dans les grilles métiers de la fonction publique hospitalière. Il n’existe pas d’acte spécifique, ils ne cotent pas. Par ailleurs, souvent les hôpitaux manquent de place, de matériel ainsi que de dispositifs pour faire des séances en ligne pour les patients à distance.
Le Pr François CARRÉ, cardiologue et médecin du sport spécialiste de l’APA, a fait part, en vidéo, de la position de l’expert scientifique au service des politiques en vue du remboursement de l’APA :
- L’APA est essentielle pour les maladies chroniques car elle réduit les complications et prévient les comorbidités ;
- Le niveau 1 d’intervention en réadaptation doit être pris en charge par un masseur-kinésithérapeute, alors que le niveau 2 concerne l’APA comme le recommande la HAS ;
- Pour mesurer l’autonomie des patients, il faut s’adresser aux spécialistes, ceux qui connaissent le mieux leurs patients
- 20 millions de français ont des maladies chroniques, si 30-40 % font de l’APA ce serait bien. Pour cela, il pourrait être envisagé de réduire/perdre un remboursement si l’APA n’est pas suivie.
Selon le Dr Olivier OBRECHT, responsable du Département des Patients atteints de Pathologies Chroniques à la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM), les mentalités évoluent sur ces sujets, la pente est positive et va se construire davantage dans les années à venir. Il avance :
- l’APA ne bénéficie pas de remboursement car il n’y a pas d’acte ;
- la nécessité de proposer une offre structurée avec des structures repérées, labellisées pour une question d’équité comme le sont les maisons sport-santé ;
- l’article 51 qui est un dispositif permettant d’expérimenter de nouvelles organisations en santé reposant sur des modes de financement inédits et ses 27 programmes actuels qui sont sur le modèle économique de l’éducation thérapeutique patient : le financement va à la structure
Enfin, il précise que dès le mois d’avril 2023, les professionnels ont été informés par la CNAM, avec des visites, que la prescription d’APA est possible ainsi que les maisons sport-santé leur ont été présentés.
Monsieur Bruno HUSS, président de l’Association des Directeurs des Organismes de Mutualité (ADOM), a introduit sa parole avec son vécu d’enfant asthmatique qui l’a rendu sensible à la pratique de l’activité physique dont il a souvent été dispensé. Pour lui, il faut avoir une approche globale de la santé respiratoire :
- éduquer et sensibiliser à la santé respiratoire ;
- la prévention est essentielle ;
- il faut arriver à motiver dans la durée.
Les mutuelles sont complémentaires à la Sécurité Sociale. Sans prise en charge de sa part, il est difficile de légitimer ce type de soin. Ainsi, nous sommes face à un dilemme : “avec la prévention, ce qui bloque c’est l’écart entre son financement et le retour visible sur cet investissement qui n’est pas perceptible à l’instant t. Nous manquons d’indicateurs“. Il conclut son intervention en indiquant qu’au delà de l’aura, le retour sur investissement des JO Paris 2024 pourrait être l’héritage immatériel en sport-santé.
Monsieur Damien COMBREDET-BLASSEL, directeur des relations extérieures du Comité Paris 2024 a conclu cette matinée d’échange en invitant l’auditoire à se lever, se mettre en mouvement, car 90 % des adultes ne bougent pas. Ainsi, bouger chaque jour 30 minutes dans l’enfance est essentiel pour prendre de bonnes habitudes. Il note aussi qu’il faut penser autrement l’espace public avec un design actif (bancs…) qui permette de le rendre accessible, en toute confiance, quel que soit son degré d’autonomie.
” Il n’y a que de bonnes raisons pour faire de l’activité physique, ce n’est jamais pas assez, alors levons-nous, marchons. “
Pour conclure cette matinée, le Pr Chantal RAHERISON-SEMJEN, co-président de l’association Collectif Droit à Respirer a tenu à remercier l’ensemble des parties prenantes, tutelles, intervenants et participants. Ce colloque aura pu notamment montrer le chemin qu’il reste à parcourir pour la prise en charge de l’activité physique adaptée pour les patients atteints de maladies respiratoires et incite à poursuivre cette dynamique pour aboutir à des propositions concrètes qui amélioreront la santé respiratoire.
Le rapport sur la santé respiratoire de la Cour des comptes est paru !
Ce 15 mai 2024, la Cour a publié son rapport sur la santé respiratoire : un enjeu de « santé environnement » insuffisamment pris en considération (2017-2022). L’association Collectif Droit à Respirer tient à saluer les nombreuses propositions de recommandations qui font écho à celle de l’association. La Cour recommande ainsi d’intégrer la santé respiratoire dans la stratégie nationale de santé, avec des objectifs mesurables et de veiller à sa cohérence avec le plan national santé environnement.