Les premiers états généraux de la santé respiratoire se sont tenus le 8 décembre dernier, à la Maison de la Recherche à Paris et ont été retransmis en direct par visioconférence. Organisés par la Société de Pneumologie de Langue Française (SPLF) et un collectif de 24 organisations d’usagers et de professionnels de santé, ils ont rassemblé plus de 400 personnes. Cette matinée a été l’occasion de présenter les contributions issues de la plateforme citoyenne masanterespiratoire2022.fr, qui, pendant plusieurs semaines, a permis aux français de partager leurs propositions politiques pour relever les défis de la santé respiratoire à l’horizon 2022 et sur le prochain quinquennat.

Cette matinée a été riche en échanges entre partie prenantes et décideurs publiques. C’est Olivier Véran, Ministre des Solidarités et de la Santé, qui a introduit la matinée. Il a rappelé à quel point la santé respiratoire est un sujet d’actualité et un enjeu majeur de santé publique, largement sous-estimé. La santé respiratoire se dégrade, notamment en raison des facteurs environnementaux, et plus récemment à cause de la pandémie de Covid-19. Olivier Véran a également insisté sur la nécessité d’installer efficacement la prévention au cœur du système de santé, qui est trop orienté vers le curatif.

Le Pr Chantal Raherison-Semjen, présidente de la SPLF, a ensuite précisé les 4 étapes de ces états généraux :

  1. Une présentation de l’état des lieux réalisé avec l’institut de sondage IPSOS
  2. La plateforme participative masanterespiratoire2022.fr qui a permis de recueillir les contributions des citoyens
  3. La restitution de ces propositions
  4. Enfin, porter collectivement les propositions aux candidats à l’élection présidentielle de 2022

Elle a par ailleurs rappelé que près de 10 millions de français sont atteints de maladies respiratoires chroniques telles que l’asthme, la BPCO, les maladies pulmonaires infectieuses, les maladies environnementales, les maladies rares, et le cancer du poumon. Le pronostic respiratoire est souvent déterminé dans les premières années de vie, et de nombreuses maladies sont la conséquence de l’exposition à des facteurs environnementaux au cours de la vie.

Le Pr Marc Humbert, pneumologue, président-élu de la Société Européenne de Pneumologie (ERS) et également coordonnateur de RespiFIL, a présenté la Coalition Internationale Respiratoire (IRC), qui a pour mission de promouvoir la santé pulmonaire et d’améliorer les soins respiratoires. L’objectif est que chaque pays dispose d’outils nécessaires pour mettre en œuvre une stratégie respiratoire nationale fondée sur les meilleures pratiques éprouvées. Cette coalition a une approche inclusive, et collabore avec divers partenaires internationaux : sociétés savantes, associations de patients, industries… Ce partenariat est essentiel pour atteindre ces objectifs.

Présentation de la Coalition Internationale Respiratoire par le Pr Marc Humbert

Les principaux enseignements du sondage Ipsos-CPLF

Après l’introduction institutionnelle, Adeline Merceron, responsable de l’activité santé chez IPSOS, a présenté les résultats du sondage Ipsos-CPLF mené en juillet 2021, qui a interrogé un échantillon national représentatif de 1000 français. Voici les trois grands enseignements de ce sondage :

1 – Les gênes respiratoires sont fréquentes au sein de la population Française, mais les risques sont souvent sous-estimés. En effet, 79% des Français ont éprouvé une gêne respiratoire au cours des 12 derniers mois, et parmi eux, 52% sont concernés par des problèmes respiratoires récurrents.

2 – Il y a une méconnaissance réelle des maladies respiratoires et des signaux d’alerte, qui expliquent probablement le faible recours à la consultation. 1 français sur 2 estime qu’il est mal informé sur les différentes maladies respiratoires et les symptômes qui doivent alerter. Cette méconnaissance rend difficile le diagnostic et la prise en charge, car seules 32% des personnes ayant ressenti des problèmes respiratoires au cours des 12 derniers mois en ont parlé à un professionnel de santé.

3 – Faire des maladies respiratoires une priorité de la politique de santé est une réelle volonté des français. Ils sont en effet plus de 8 sur 10 à estimer que les maladies respiratoires doivent être une priorité nationale.

Les propositions issues de la consultation citoyenne

La consultation citoyenne sur la plateforme masanterespiratoire2022.fr a permis de rassembler 460 propositions citoyennes, qui ont abouti à 10 propositions politiques prioritaires. La stratégie ambitieuse et collective pour les cinq prochaines années s’articule autour de 3 piliers principaux :

  1. La prévention et la lutte contre les facteurs environnementaux des maladies respiratoires
  2. La prise en charge des maladies respiratoires tout au long de la vie
  3. La lutte contre l’exclusion sociale et sanitaire sur l’ensemble du territoire

Toutes les propositions ont été présentées, détaillées et argumentées par des représentants d’associations et des médecins (pneumologues, pneumo-pédiatres…).

Pilier 1 – Prévenir et lutter contre les facteurs environnementaux des maladies respiratoires

  • Réaliser un plan de prévention d’urgence des maladies respiratoires en cas de crise sanitaire, d’épisode de pollution ou d’évènement météorologique, en associant professionnels de santé et référents patients dans sa conception.
  • Renforcer les campagnes de lutte contre la pollution (bus électriques, 30km/h en ville, électrification des véhicules, campagnes d’information, …) en intégrant aux réflexion publiques professionnels de santé et représentants de patients.
  • Réaliser un bilan individualisé de la qualité de l’air de l’environnement domestique pour chaque patient atteint d’une maladie respiratoire en renforçant sensiblement le nombre de Conseillers Médicaux en Environnement intérieur formés et en faisant la promotion de leur rôle.
  • Réévaluer les seuils indicateurs de pollution, pour y intégrer notamment les polluants toxiques pour les poumons tels que les produits chlorés et les pesticides.
  • Lutter contre la présence de produits nocifs dans les produits domestiques chimiques de tous types, tels que les phtalates.
  • Mener des études sur les méthodes de chauffage afin de documenter leur impact sur la santé et de pouvoir mettre en place des actions dédiées (système de filtration…).
  • Créer un « Observatoire citoyen et national des maladies respiratoires » ayant notamment pour mission :
    • D’évaluer l’action publique privée sur tous les territoires de la République, et dans toutes les dimensions de la Santé Respiratoire ;
    • De garantir le déploiement des orientations sur la stratégie et les investissements à réaliser en matière de santé environnementale et respiratoire ;
    • De mener des campagnes de santé publique et médiatiques de valorisation de ces maladies trop peu connues du grand public et des professionnels de santé.
  • Faire des maladies respiratoires une priorité nationale en inscrivant une maladie respiratoire comme grande cause nationale annuelle : la BPCO puis les maladies respiratoires rares, les cancers pulmonaires, l’asthme sévère…
  • Renforcer la communication par la diffusion des messages via différents canaux sur les facteurs de risques de développement de maladies et d’accidents respiratoires graves comme le tabagisme passif et d’autres facteurs plus méconnus tels que la pollution intérieure (au domicile et au travail) et extérieure ou la sédentarité.
  • Sensibiliser les institutions de santé territoriales (CPAM, ARS, …) et des acteurs locaux (Centres Communaux d’Action Sociale, Association des Maires de France, …) aux enjeux de la Santé Respiratoire pour renforcer leurs actions sur ces maladies, notamment sur les plans de l’information, la prévention, la coordination et la prise en charge, en particulier en cas de crise sanitaire.
  • Le renforcement de la stratégie nationale de lutte contre le tabagisme qui pourrait se traduire par l’élargissement des espaces publics non-fumeurs, notamment aux abords des établissements scolaires, et par l’instauration d’une taxation sur l’industrie du tabac.
Jean-Michel Fourrier, président de l’APEFPI, a pris part au débat en soulignant l’importance de communiquer sur les facteurs de risque des maladies respiratoires
  • Mettre en place une campagne de communication visant à sensibiliser à la pratique de l’activité physique pour la prévention et la prise en charge sur prescription médicale des maladies respiratoires.
  • Inciter l’ensemble des collectivités territoriales à mettre en place une aide « sport-santé » aux familles pour l’inscription de tous dans des structures proposant des activités physiques.

Pilier 2 – Prendre en charge les maladies respiratoires efficacement tout au long de la vie

  • Equiper et former les professionnels de santé intervenant à l’école à l’usage du spiromètre en vue de soutenir la stratégie et dépistage en milieu scolaire, dès l’école primaire.
  • Augmenter les effectifs de médecins et d’infirmières scolaires et l’attractivité de leur statut.
  • Permettre à l’assurance maladie d’adresser un bon aux assurés sociaux pour passer des examens respiratoires chez un pneumologue pris en charge par l’assurance maladie lors de laquelle il serait notamment l’occasion de mettre en place un dépistage du cancer du poumon dans les populations à risques.
  • Développer le suivi systématique des malades atteints d’une maladie respiratoire grave par la mesure du souffle au sein des cabinets de médecine générale et dans le cadre de la médecine du travail, tout en s’assurant de leur bonne formation et de la mise à leur disposition des moyens matériels.
Le Pr Cyril Schweitzer, président de la Société pédiatrique de pneumologie et d’allergologie, a présenté la proposition 5, en précisant que le dépistage doit commencer dès le plus jeune âge à l’école.
  • Inclure, au cours du 3e cycle des études de médecine générale, un parcours renforcé sur les maladies respiratoires. Il conviendrait également de former les professions paramédicales (infirmiers, kinésithérapeutes, …) avec une approche respiratoire élaborée.
  • Mettre en place des équipes de soins spécialisées référencées dans les territoires, co-construites avec les ARS, les associations de patients et les acteurs territoriaux (CPAM, …) afin de mieux repérer et orienter les patients souffrant de maladies respiratoires.
  • Renforcer le soutien financier apporté aux centres de réhabilitation respiratoire afin d’augmenter leur nombre et leur capacité d’accueil, tout en revoyant leur place dans le suivi des patients pour répondre au mieux aux besoins de ces derniers.
  • Renforcer l’accès à l’éducation thérapeutique en s’appuyant sur l’ensemble des parties prenantes impliquées (par exemple : renforcer le rôle des prestataires de santé à domicile, notamment dans l’éducation thérapeutique autour de l’usage des systèmes d’oxygénothérapie et de la nébulisation médicamenteuse).
  • Créer un fonds de recherche en Santé Respiratoire public-privé abondé par les prélèvements de taxes sur les activités et industries polluantes, sur le même principe que le financement des accidents du travail.
  • Garantir un financement pérenne de la recherche en matière de maladies respiratoires en y associant l’Union Européenne et les collectivités territoriales.
  • Investir de façon volontariste dans la recherche afin de mieux prédire, prévenir, repérer précocement et prendre en charge la dysfonction chronique du greffon pulmonaire pour les greffés.
  • Autoriser l’accès direct aux produits de santé innovants dès lors que l’Agence européenne du médicament donne son autorisation de mise sur le marché, en s’inspirant du modèle allemand.
Le Pr Bruno Crestani, Vice-Président de la Fondation du Souffle, insiste sur la nécessité de faciliter et accélérer l’accès aux innovations diagnostiques et thérapeutiques pour les patients.

Pilier 3 : Lutter contre l’exclusion sociale et sanitaire sur l’ensemble du territoire

  • Individualiser l’évaluation pour l’attribution des droits en prenant notamment en compte les notions de durée et de fatigabilité pour effectuer certains actes essentiels de la vie quotidienne. Cette individualisation doit s’accompagner d’une uniformisation des critères d’attribution des droits et prestations dédiées aux personnes handicapées (telle que la carte mobilité inclusion) entre chaque département.
  • Former les équipes des Maisons Départementales pour les Personnes Handicapées (MDPH) dans le support aux démarches des insuffisants respiratoires pour bénéficier du statut, notamment par une meilleure connaissance des maladies respiratoires, et renforcer leurs moyens afin de répondre à l’augmentation du nombre de personnes souffrant de ces maladies et du handicap invisible lié.
  • Soutenir l’équilibre de la répartition des professionnels paramédicaux et médicaux au bénéfice de l’offre de soins et des patients sur l’ensemble du territoire.
  • Compenser la perte de revenus des parents qui suspendent leur activité professionnelle en conséquence des lourdes contraintes suivant le dépistage d’une maladie chez leur enfant.
  • Assurer le relogement ou la rénovation de l’habitat des populations exposées à un air insalubre lié à la dégradation de leur logement.
  • Rendre gratuit l’accès au Centre National d’Enseignement à Distance (CNED) aux étudiants en situation de handicap.
  • Développer des programmes d’accompagnement dans la vie active, via notamment une implication accrue du médecin du travail et une formation spécifique pour les patients atteints de maladies respiratoires graves en situation de vulnérabilité socioprofessionnelle.
  • Faire évoluer la réglementation du droit du travail pour faciliter le rechargement des droits des patients ayant une ALD.

Pour conclure cette matinée, une table ronde a permis d’examiner les leviers pour mettre en place une feuille de route « Santé Respiratoire », qui soit efficace et ambitieuse. De manière générale, il est important de renforcer la communication autour de ces maladies, et d’augmenter leur visibilité. Ces états généraux sont fondateurs et vont permettre d’attirer l’attention sur ces maladies.

Avec la participation de nombreux élus, ces travaux et ces propositions citoyennes pour la santé respiratoire sont parvenues dans les mains des décideurs publiques. L’objectif est désormais que les candidats à la prochaine élection présidentielle soient sensibilisés à cette thématique, et qu’ils inscrivent dans leur programme une stratégie ambitieuse pour la santé respiratoire.

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