La 14ème journée, qui s’est tenue le 25 mai 2023 à l’Institut Imagine à Paris, a marqué un tournant majeur pour la coordination du Centre de référence des maladies respiratoires rares (RespiRare) suite aux nouvelles labellisations des CRMR. Lors de cet événement, le Pr Annick CLEMENT (hôpital Armand Trousseau, AP-HP), a été chaleureusement applaudie pour sa « contribution exceptionnelle à RespiRare depuis 2006 », avant de passer le relais à son successeur, le Pr Christophe DELACOURT (hôpital Necker-Enfants malades, AP-HP).
En introduction, dans ses remerciements adressés aux professionnels, patients, chercheurs et équipes présentes dans la salle, le Pr CLEMENT a souligné les nombreuses actions entreprises dans les domaines du soin, de l’enseignement et de la recherche dans les maladies respiratoires rares, en mettant l’accent sur une approche participative dynamique. Parmi ces actions, la création de la base de données nationale e‑RespiRare en 2008 a été particulièrement mise en avant. Grâce à la consolidation des données, cette base a permis d’apporter, une meilleure connaissance de l’histoire naturelle et des processus physiopathologiques des maladies respiratoires rares, ne concernant qu’un très faible nombre de patients et qui sont, de ce fait, souvent méconnues.
Parmi les multiples actions réalisées : la mise en place des réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP), qui répondent à un véritable besoin permettant le partage de l’expertise médicale pour améliorer la prise en charge des patients, la rédaction des protocoles nationaux de diagnostic et de soins (PNDS), les programmes d’éducation thérapeutique du patient (ETP), la transition enfant-adulte, la création de groupes de travail thématiques, le soutien des centres de compétence, la collaboration avec les sociétés savantes pédiatriques et adultes, ainsi que le réseau européen des maladies respiratoires rares (ERN-LUNG).
Le programme de cette 14ème journée était consacré aux actualités et faits scientifiques marquants de l’année 2022, ainsi qu’à la nouvelle labellisation des CRMR et les perspectives de financements.
Anne-Sophie LAPOINTE, cheffe de projet de la Mission Maladies Rares, Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS) du Ministère de la Santé et de la Prévention, invitée à cette journée, a remercié les équipes des CRMR RespiRare pour la « très grande qualité des dossiers, qui témoigne du succès des nouvelles labellisations des CRMR des maladies respiratoires rares ».
Elle rappelle que le réseau des maladies rares, en 2023, est constitué de 23 filières de santé maladies rares (FSMR), 471 CRMR, 1751 centres de compétence maladies rares (CCMR), 24 réseaux européens de référence (ERN, dont 1/3 sont coordonnés en France), de l’Alliance maladies rares qui fédère plus de 240 associations de personnes malades, de 4 plateformes de coordination d’outre-mer et de 19 plateformes d’expertise maladies rares (crées dans le cadre du PNMR 3) qui permettent de renforcer l’articulation inter-filière au sein des établissements sièges de plusieurs centres labellisés. Les 23 plateformes ont pour objets le partage d’expertise, la mutualisation des connaissances, des compétences et des ressources à un échelon local. « Leur aide a été importante notamment dans la saisie des données maladies rares en soutien des centres de compétence », a souligné Mme LAPOINTE.
Avant d’aborder le cœur du sujet, Anne-Sophie LAPOINTE a rappelé l’aspect unique de la France, en Europe, pour son soutien financier des CRMR, des filières, des actions et appels à projets pour organiser les parcours de diagnostic et de prises en charge des maladies rares dans le cadre des PNMR.
En ce qui concerne la nouvelle labellisation des CRMR pour 5 ans, elle précise que ces derniers sont les maillons essentiels qui participent au soutien des personnes touchées par une maladie rare, pour leur prise en charge avec la diffusion des bonnes pratiques et le déploiement d’un maillage territorial de proximité allant jusqu’aux territoires ultra-marins. Elle ajoute que le nombre de candidatures reçues en 2022 a été très élevé par rapport à la précédente campagne de labellisation de 2017 et que la publication de l’arrêté de labellisation est prévu pour l’été 2023.
L’objectif du futur Plan national maladies rares (PNMR4) est de ne laisser personne de côté, et de nombreux enjeux ont déjà été identifiés, parmi lesquels :
- Articulation entre les différents territoires, tant au niveau national qu’européen : renforcer les liens entre la ville et l’hôpital, favoriser le partage d’expertise et de formation, garantir un accès équitable à des diagnostics plus précoces, plus précis et de meilleure qualité, ainsi qu’à des traitements adaptés, afin de permettre à tous les patients européens de bénéficier des thérapies les plus innovantes.
- Renforcer l’axe du diagnostic en prolongeant les actions entreprises dans le cadre du PNMR3 et en les articulant avec les initiatives du Plan France Médecine Génomique (PFMG).
- Faciliter l’accès à de nouveaux traitements et à l’innovation, notamment grâce au partage des données de santé et à la collecte de données en vie réelle.
Vous trouverez ci-dessous, les points remarquables des communications que nous avons pu suivre et pour lesquels les résultats sont autorisés à être diffusés :
Les pneumopathies interstitielles diffuses de l’enfant englobent un large éventail de pathologies respiratoires rares et hétérogènes. Cependant, peu de données épidémiologiques sont disponibles sur cette pathologie. L’objectif de cette étude, présentée par le Pr Nadia NATHAN (hôpital Armand Trousseau, AP-HP), est d’analyser l’épidémiologie des PID pédiatriques en France, de les comparer aux études antérieures et de les confronter aux données de la Banque Nationale de Données Maladies Rares (BNDMR).
Une étude multicentrique (42 centres participants), rétrospective sur la période de 2000 à 2022 et prospective de 2022 à 2023, a été réalisée. Les données sont recueillies à partir de e-RespiRare, les comptes rendus des RCP nationales et des DPI patients.
Sur une période de 22 ans, 790 patients ont été inclus dans l’étude, comparés à 473 patients inclus dans la BNDMR sur une période de 4 à 5 ans. Les données recueillies ont permis une analyse des PID sur le plan clinique, diagnostique, thérapeutique et sur l’évolution de cette maladie.
Cette étude confirme une prévalence de 44,04/million d’enfants et une incidence de 4,44/million enfant par an. Le parcours diagnostique est devenu moins invasif, avec une réduction du nombre de biopsies au profit des analyses génétiques et de la signature interféron. Les traitements sont très aspécifiques et la survie est meilleure chez les enfants diagnostiqués après l’âge de 2 ans, en raison d’une moindre incidence d’anomalies diffuses du développement pulmonaire et de maladies du surfactant (ABCA3 et SP-B). Toutefois, près d’un tiers des PID restent non étiquetées, et la mortalité associée à cette pathologie demeure relativement élevée.
Le Pr Véronique HOUDOUIN (hôpital Robert Debré, AP-HP) a récemment présenté les résultats d’une étude portant sur 292 enfants inclus dans un protocole d’allogreffe pédiatrique sur une période de trois ans (2014-2017). Au cours de cette période, environ 89 % des patients ont réalisé des épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR).
L’étude a permis de mettre en évidence l’incidence des complications pulmonaires qui surviennent à la période post-greffe (Complications Pulmonaires Tardives Non Infectieuses, CPTNI). 32 enfants ont eu au moins une CPTNI et 25 patients, une bronchiolite oblitérante (BOS). Elle précise que dès lors que des anomalies respiratoires sont détectées, il faudra mettre en place des suivis plus spécifique chez ces patients sur le plan respiratoire.
Le Pr Michael FAYON (CHU de Bordeaux) a présenté une nouvelle technique d’imagerie basée sur une IRM fonctionnelle et du gaz xénon (gaz atmosphérique rare et non-toxique) inhalé. Le gaz xénon est utilisé comme un agent de contraste en IRM pour cartographier les zones ventilées et non ventilées des poumons.
Cette technique d’imagerie offre une multitude d’informations complémentaires sur la fonction et la microstructure du poumon et présente un grand potentiel en tant qu’outil clinique pour la détection précoce des maladies respiratoires rares. En effet, elle se révèle prometteuse pour détecter les anomalies des échanges gazeux alvéolaires même lorsque les tomodensitogrammes (TDM) et les tests de la fonction pulmonaire sont normaux. Cela peut être particulièrement utile dans les maladies pulmonaires obstructives. Elle permet l’évaluation de la ventilation et des échanges gazeux dans les globules rouges et fournit des informations régionales sur l’intégrité de la vascularisation pulmonaire. Combiné à l’IRM de structure, elle peut potentiellement permettre une évaluation / traitement personnalisés.
Il convient de noter que bien que ces techniques puissent être prometteuses dans l’évaluation des maladies respiratoires rares, elles sont souvent utilisées à des fins de recherche et ne sont pas encore largement disponibles dans la pratique clinique quotidienne. Elles font l’objet d’essais cliniques (Consortium).
Présentés par le Pr Raph EPAUD (hôpital Intercommunal de Créteil), les résultats de l’essai international “InPedILD” étaient très attendus car ils visent à déterminer la posologie et l’innocuité du nintédanib chez les enfants et les adolescents atteints de pneumopathies interstitielles fibrosantes.
Des patients âgés de 6 à 17 ans, atteints de PID confirmée par tomodensitométrie à haute résolution (scanner) et présentant une maladie cliniquement significative, ont été randomisés pour recevoir soit du nintédanib, soit un placebo, pendant 24 semaines en double aveugle. Ensuite, ils ont reçu du nintédanib en traitement ouvert. Les doses administrées ont été ajustées en fonction du poids de chaque patient.
Les critères d’évaluation comprenaient l’aire sous la courbe (AUC) de concentration plasmatique-temps à l’état d’équilibre aux semaines 2 et 26, ainsi que la proportion de patients présentant des événements indésirables liés au traitement à la semaine 24.
Le schéma posologique adapté en fonction du poids a permis d’obtenir un profil de sécurité et d’innocuité similaire à celui observé chez les adultes. Cette étude a démontré que le nintédanib présente une efficacité et une tolérance acceptables chez les enfants et les adolescents atteints de PID. Ces données fournissent une base scientifique solide pour l’utilisation du nintédanib chez cette population de patients.
L’hyperplasie des cellules neuroendocrines du nourrisson ou NEHI (Neuroendocrine Hyperplasia of Infancy) fait partie du groupe des pneumopathies interstitielles diffuses (PID) de l’enfant (la plus fréquente des PID chez l’enfant).
L’hyperplasie désigne l’augmentation du nombre de cellules dans un organe. Dans l’hyperplasie des cellules neuroendocrines du nourrisson (NEHI), un trop grand nombre de cellules neuroendocrines est observé dans les voies respiratoires, après la naissance. Cet excès entraîne probablement une inflammation chronique du poumon et une bronchoconstriction (diminution du diamètre des bronches) à l’origine des difficultés respiratoires.
Le Pr Jean-Christophe DUBUS (hôpital Timone-Enfants, AP-HM) rapporte que “moins de 400 cas ont été décrits dans la littérature et la population est assez hétérogène ce qui limite les connaissances sur cette pathologie“.
L’étude nationale FRENCHI (FREnch National Cohort of neuroendocrine cell Hyperplasia of Infancy) menée par le réseau des maladies respiratoires rares de l’enfant (RespiRare) a décrit pour la première fois les caractéristiques cliniques, la prise en charge et l’évolution des enfants (< 18 ans) présentant un diagnostic de NEHI.
54 patients ont été inclus (sur la période 2000 – 2022) dont 63 % sont des garçons. La biopsie pulmonaire a été réalisée dans 39 % des cas et n’était typique de NEHI que dans 52 %, même lorsque la présentation clinique était typique.
La prise en charge thérapeutique est axée sur la prévention de l’hypoxémie (diminution des taux d’oxygène dans le sang), le maintien d’une bonne nutrition et la prévention des infections. Ainsi, au diagnostic, 83 % des patients ont bénéficié d’oxygène, et 52 % d’un support nutritionnel. Parmi les autres traitements qui sont discutés : la corticothérapie, l’azithromycine au long cours, l’hydroxychloroquine.
Concernant l’évolution de la maladie, les résultats démontrent une amélioration globalement
positive mais inégale dans le temps.
RespiRare 2023 – 2028 : Quel fonctionnement ?
Dans le cadre de la nouvelle labellisation des centres de référence et de compétence, le Pr Christophe DELACOURT a présenté les futures orientations du centre de référence des maladies respiratoires rares – RespiRare pour répondre aux défis de soins de plus en plus complexes dans une structuration croissante de réseaux :
- Renforcement du caractère collectif en privilégiant l’alternance de la gouvernance. Les objectifs sont :
- permettre l’inclusion des différentes thématiques de soins et de recherche ;
- permettre la représentativité de l’ensemble des centres ;
- permettre l’alternance indispensable à la dynamique du réseau.
- Accélérer la visibilité de l’expertise RespiRare au niveau européen :
- Élargir les réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) aux pays francophones ;
- Promouvoir de nouvelles thématiques dans les réseaux européens de référence (ERN) ;
- Organiser les expertises cliniques pour les enfants nés hors de France.
- Intensifier la formation et de la recherche
- Mieux communiquer : site web / newsletters / recommandations
- Renforcer les interactions avec les filières, les sociétés savantes, etc.
Cette journée a contribué à promouvoir une approche holistique de la prise en charge des maladies respiratoires rares, mettant l’accent sur la collaboration entre les professionnels de la santé et les patients. Cela souligne l’importance de continuer à organiser de tels événements pour favoriser le partage d’expériences, encourager la recherche et améliorer les soins dans le domaine des maladies respiratoires rares.
Pour conclure cette journée, le Pr DELACOURT a remercié toute la communauté RespiRare pour son implication et son soutien.