RÉSUMÉ

La papillomatose respiratoire récurrente (PRR) est une maladie respiratoire rare, causée par une infection à Papillomavirus humain (HPV, pour Human Papilloma Virus). Elle est caractérisée par le développement de tumeurs bénignes (non cancéreuses) appelées papillomes (petites masses de tissu mou ressemblant à de petits choux fleurs) dans les voies aériennes.

Les papillomes se forment dans le larynx et touchent le plus souvent les cordes vocales, les plis ventriculaires, la sous-glotte et la surface laryngée de l’épiglotte, ce qui définit la papillomatose laryngée. Cependant, ils peuvent aussi se développer dans n’importe quelle partie des voies aériennes et s’étendre aux voies aériennes inférieures – sous glottique, c’est-à-dire à l’arbre trachéo-bronchique et au tissu pulmonaire. L’atteinte des voies aériennes inférieures survient dans environ 9 % des patients atteints de papillomes du larynx ; le parenchyme pulmonaire est atteint dans moins de 2 % des cas*.

Les papillomes peuvent varier en taille et se développer très rapidement. Ils repoussent souvent après avoir été enlevés (maladie récurrente). Bien que ce soit une maladie d’origine virale, la PRR n’est pas transmissible dans les actes de la vie quotidienne que ce soit en famille, à l’école ou au travail. Actuellement, il n’existe pas de traitement curatif de la PRR. La chirurgie est le principal traitement contre les lésions papillomateuses.

PERSONNES CONCERNÉES

Cette maladie touche plus souvent les enfants (de moins de 12 ans, avec un pic entre 5 et 9 ans), elle sera appelée PRR juvénile mais également les jeunes adultes avec un début des symptômes entre 20 et 40 ans, elle sera alors appelée PRR adulte. Ces appellations se réfèrent à l’âge de début de la maladie, quel que soit l’âge du patient ensuite. La PRR adulte concerne plus souvent les hommes que les femmes.

CAUSES

La PRR est causée principalement par deux types de HPV : les HPV6 et HPV11. L’HPV est un virus très largement répandu dans la population ; il existe plus de 150 types de HPV, qui n’entrainent pas tous les mêmes maladies. Par exemple, les HPV de type 2 et 4 sont à l’origine de lésions très courantes et bénignes : les verrues. D’autres sont oncogènes, c’est-à-dire capables de provoquer l’apparition d’un cancer : le plus répandu est celui du col de l’utérus.

Dans la PRR, l’infection par le HPV11 se manifeste par une maladie souvent plus agressive. D’autres sous-types, tels que les HPV 16,18, 31, et 33, sont également associés à la PRR, avec une prévalence nettement plus faible.

Dans le contexte de la PRR, le mode de transmission du HPV n’est pas entièrement compris. De nombreux enfants sont exposés au HPV, mais très peu développent la PRR juvénile. La transmission du virus aux enfants pourrait être due à une exposition lors de la traversée du canal génital d’une mère infectée lors de l’accouchement, à une exposition au HPV dans le liquide amniotique, ou à une contamination périnatale. La présence de lésions papillomateuses ano-génitales maternelles pendant la grossesse, et en particulier pendant l’accouchement, augmente le risque de développer une PRR d’environ 231 fois par rapport à l’absence de telles lésions au moment de la naissance*.

Chez l’adulte, deux voies de transmission de l’infection à HPV au larynx sont supposées. La première est la transmission à la naissance avec réactivation tardive de l’infection à HPV et apparition des lésions à l’âge adulte. La deuxième voie de transmission est le contact avec une muqueuse infectée, généralement lors de relations sexuelles mettant en contact la bouche et les organes génitaux.

SYMPTÔMES

Les manifestations dépendent de l’étendue et de la progression de la maladie. Elles incluent notamment une dysphonie (aphonie, enrouement, raucité de la voix), une toux chronique, une respiration sifflante (stridor), une gêne respiratoire progressive (dyspnée) voire une détresse respiratoire, lorsque les papillomes bloquent le passage de l’air dans les voies respiratoires. Des infections récurrentes des voies respiratoires supérieures, une surinfection pulmonaire, une dysphagie (difficultés pour avaler) et/ou un retard de croissance staturo-pondéral peuvent également être observés.

L’extension aux voies respiratoires inférieures peut entraîner une obturation bronchique, une pneumonie récurrente avec des symptômes tels que la fièvre, la toux, l’expectoration de sang (hémoptysie) et l’essoufflement progressive, voire parfois une transformation maligne.

Les symptômes peuvent se développer progressivement au cours des mois, voire des années dans les cas bénins, mais dans des situations très agressives, des symptômes peuvent apparaître en quelques jours.

DIAGNOSTIC

Le diagnostic d’un papillome laryngé est réalisé en examinant le larynx à l’aide d’un endoscope (laryngoscopie).

Lors d’une intervention chirurgicale, le médecin prélève un morceau de papillome (biopsie) pour des analyses qui confirmeront le diagnostic et permettront d’identifier le type de l’HPV en cause. L’endoscopie permet aussi de vérifier l’absence d’éventuelles de lésions trachéales précoces (extension sous glottique des papillomes le long de la trachée).

La radiographie thoracique peut montrer de multiples nodules pulmonaires solides ou cavitaires.

Le scanner ou TDM thoracique  offre une plus grande précision pour identifier et caractériser les lésions au niveau de la trachée, des bronches et des poumons. Il fait partie des examens systématiques pour rechercher des nodules dans le tissu pulmonaire périphérique. Les lésions pulmonaires isolées sans atteinte trachéale sont exceptionnelles.

La bronchoscopie permet de diagnostiquer les lésions des voies aériennes centrales, car elle permet de visualiser directement les lésions et de prélever des échantillons pour confirmer le diagnostic et identifier le type de virus présent.

ÉVOLUTION

L’évolution de la maladie est variable. Elle dépend à la fois de l’âge de survenue, de la localisation des papillomes, du type d’HPV et des possibles séquelles des interventions chirurgicales répétées.

Certaines formes de la maladie sont peu agressives et peuvent disparaître spontanément, tandis, que d’autres peuvent devenir chroniques et évoluer avec un risque d’aggravation et d’obstruction de la trachée, voire d’atteinte du tissu pulmonaire.

Le risque de propagation de la papillomatose laryngée aux voies aériennes inférieures est plus élevé en cas de PRR juvénile apparue très tôt (avant 3 ans), d’HPV-11 et de répétition des gestes mécaniques sur le pharyngo-larynx ou la trachée (comme la laryngoscopie, la bronchoscopie, la désobstruction, la trachéotomie) pour le diagnostic ou le traitement de la PRR. Les patients présentant une atteinte trachéo-bronchique ou pulmonaire ont un nombre moyen de gestes mécaniques plus élevé par année que les autres.

Dans de rares cas, les lésions de papillomatose peuvent se cancériser et donner un carcinome épidermoïde (un type de cancer). Cette transformation peut survenir des décennies après le début de la maladie. Elle survient rarement dans la forme laryngée de la maladie, mais plus fréquemment chez les patients ayant déjà une propagation des papillomes à l’arbre trachéo-bronchique. Les facteurs de risque associés à cette cancérisation sont : la forme juvénile, certains HPV, la présence d’une atteinte pulmonaire. Par conséquent, les patients atteints de papillomatose pulmonaire doivent être surveillés pour le risque de cancérisation. Néanmoins les modalités de cette surveillance ne font pas encore l’objet de recommandations précises. Il est probable qu’elle reposera sur la réalisation d’un scanner du thorax faiblement dosé sans injection de produit de contraste. L’âge de début de cette surveillance, les personnes à qui elle doit être proposée en priorité et les modalités du suivi ultérieur tout au long de la vie devraient faire l’objet de recommandations pratiques.

PRISE EN CHARGE

Il n’existe pas à l’heure actuelle de traitement curatif de la PRR. Dans le cas de papillomes laryngés, les techniques de destruction mécanique constituent le traitement de base, qui vise à enlever complètement les papillomes (sous anesthésie générale ou parfois locale chez les adultes) tout en préservant les tissus sains. L’objectif est de libérer les voies aériennes, améliorer la voix et faciliter la rémission. Du fait de leur récidive, les papillomes sont enlevés de façon répétée à intervalles variables (parfois à un rythme mensuel). Lorsqu’elle est agressive en termes de récidive et d’extension, la prise en charge peut nécessiter l’association d’un traitement médical adjuvant aux gestes chirurgicaux afin d’en limiter la répétition.

En cas d’atteinte pulmonaire, la prise en charge se fait de préférence par un pneumologue en centre de référence ou de compétence des maladies pulmonaires rares (OrphaLung pour les adultes et RespiRare pour les enfants).  

Médicaments en présence de lésions broncho-pulmonaires :

Dans certains cas, des traitements médicamenteux sont proposés. Ils visent à diminuer l’activité virale (antiviraux), à empêcher la vascularisation des papillomes et à améliorer l’immunité du patient contre les HPV.

  • Cidofovir, utilisé initialement en perfusion dans les atteintes pulmonaires, il a été abandonné du fait de sa toxicité ; il n’est pas utilisable en instillation locale pour l’atteinte pulmonaire
  • Bevacizumab en perfusion
  • Immunothérapie/vaccination

Place de la chirurgie en présence de lésions pulmonaires :

La présence de lésions pulmonaires pose le problème de leur nature, le plus souvent à type de papillomes. La difficulté sera de savoir identifier la possibilité d’une cancérisation. L’augmentation rapide de taille d’une lésion, l’obstruction d’une bronche, la survenue de crachats de sang devront faire l’objet d’un bilan spécialisé dans un centre de référence et ou de compétence de la PRR.

Si une cancérisation est démontrée, la prise en charge sera adaptée à l’étendue du cancer et pourra comporter une chirurgie de résection anatomique de la zone de poumon atteinte.

Mesures associés :

  • Grossesse : il est préférable d’en discuter au préalable, sinon le plus tôt possible, avec l’ORL qui vous suit afin de décider ensemble du suivi ORL pendant la grossesse, ainsi que du lieu et des modalités de l’accouchement. Tout cela pour la sécurité de la future mère.
  • Vaccination : il est recommandé de se faire vacciner contre la grippe (tous les ans), contre le pneumocoque (tous les cinq ans), la Covid-19 pour réduire les risques de maladies respiratoires.
  • Sevrage tabac, cannabis et alcool : le tabac et le cannabis ont un effet immunosuppresseur sur les voies respiratoires et peuvent contribuer au maintien des papillomes voire leur récurrence. La consommation de ces produits doit être abandonnée. La consommation d’alcool doit être limitée, en particulier celle d’alcools forts cancérogènes connus du carrefour aéro-digestif (pharynx, larynx et œsophage). L’association tabac-alcool voire cannabis augmente le risque de cancérisation des lésions. N’hésitez pas à vous informer auprès d’un professionnel de santé sur les méthodes et aides disponibles pour le sevrage.
  • Changement dans les habitudes de vie : en accord avec leur médecin, une activité physique adaptée et une alimentation équilibrée contribuent à atténuer les symptômes de la maladie.

SI VOUS ÊTES ATTEINT DE PRR PULMONAIRE

En cas d’atteinte pulmonaire, un suivi régulier par un pneumologue en lien avec votre chirurgien ORL est recommandé, de préférence en centre de référence ou de compétence des maladies pulmonaires rares (OrphaLung pour les adultes et RespiRare pour les enfants). Leurs coordonnées sont disponibles sur RespiFIL. Selon les cas, un bilan (scanner du thorax, explorations fonctionnelles respiratoires, etc.) est effectué pour surveiller l’évolution de la maladie et s’assurer de l’efficacité des traitements (s’il y a lieu).

Relecture par le Pr Jacques CADRANEL, Dr Thomas MAITRE, Service de pneumologie et oncologie thoracique, centre de référence constitutif des maladies pulmonaires rares (OrphaLung), Hôpital Tenon (AP-HP), Paris ; Mme Colette PETIT LE BÂCLE, Vice-présidente de l’association Vaincre PRR ; Mme Meryem SARI HASSOUN, chargée de mission de la filière RespiFIL – mise à jour septembre 2023.

Références bibliographiques : *Fortes HR, et al. Recurrent respiratory papillomatosis: A state-of-the-art review. Respiratory Medicine 126 (2017) 116e121. Gélinas J-F, et al. Lung involvement in juvenile onset recurrent papillomatosis: a systematic review of the literature. International Journal of Pediatric Otorhinolaryngology 72 (2008) 433-52. Pai SI, et al. Pulmonary manifestations of chronic HPV infection in patients with recurrent respiratory papillomatosis. Lancet Repir 10 (2022) 997-1008.