En résumé

L’Aspergillose est un terme général qui regroupe les maladies causées par des champignons appartenant au genre Aspergillus (le plus souvent l’espèce Aspergillus fumigatus), qui sont véhiculés par l’air et sont inhalés par l’homme. Totalement inoffensifs pour la majorité de la population, ces champignons peuvent cependant provoquer différentes formes de maladies dont l’aspergillose bronchopulmonaire allergique (ABPA).

L’ABPA est une maladie inflammatoire des voies aériennes, caractérisée par une réaction anormale du système immunitaire contre Aspergillus (allergie). Cette maladie, rare, touche principalement les personnes asthmatiques ou atteintes de mucoviscidose (plus rarement celles atteintes de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO)). En effet ces maladies sont associées à une production de mucus visqueux et à une altération de son élimination, favorisant la persistance des particules inhalées d’Aspergillus dans les voies aériennes.

Transmission

Aspergillus est champignon microscopique filamenteux (moisissure) très répandu dans l’environnement. La transmission se fait par inhalation d’Aspergillus. Elle survient lors de la mise en suspension de poussières contaminées par des moisissures visibles ou invisibles, en particulier lors de :

  • Manipulation de déchets de jardinage ou compost
  • Activités agricoles/ferme (pas de contamination à partir d’un animal atteint d’aspergillose)
  • Travaux de rénovation
  • Domicile à proximité d’un site de compostage, ensilage
  • Nettoyage de lieux empoussiérés (celliers, combles, greniers, vieux livres, archives)
  • Conditionnement d’air domestique, véhicule, etc. = hygiène des filtres
  • Système de climatisation, de ventilation, de filtration d’air avec défaut d’entretien (filtres, gaines, refoulement)
  • Réservoir d’eau stagnante, etc.

Milieux professionnels et métiers les plus à risque (liste non exhaustive) :

  • Professions au contact de végétaux stockés et/ou en décomposition : entretien des espaces verts, valorisation de biodéchets, station d’épuration, stockage et transformation de céréales, etc.
  • Professions au contact des animaux (litières), laboratoires de recherche en biologie
  • Professions de l’industrie agroalimentaire (charcuterie, fromagerie, culture des champignons, etc.).
  • Professions du bâtiment, en particulier de la rénovation, qui peuvent être concernés lors d’intervention sur des matériaux de construction ou d’isolation humide contenant de la cellulose (après un dégât des eaux ou dans des tranchées de travaux publics).

Personnes concernées

L’APBA est une maladie rare rencontrée principalement chez l’adulte, mais aussi de plus en plus chez l’enfant. Il existe peu de données sur la fréquence de l’ABPA. Les chiffres sont très variables en fonction des pays en raison notamment de conditions environnementales diverses.

En France, la prévalence de l’ABPA chez les asthmatiques a été évaluée à environ 2,5 % en 2016, soit 95 361 personnes au total (145/100 000 habitants).

Symptômes

Les premiers signes d’une ABPA sont habituellement des symptômes d’asthme qui deviennent persistants, comme des sifflements, une toux productive grasse avec des expectorations de bouchons muqueux de couleur brunâtre, et parfois des crachats de sang (hémoptysies). Plus rarement, l’ABPA peut se manifester par une fièvre légère, une perte de poids, une fatigue et des malaises. Il y a des périodes d’aggravation des symptômes que l’on appelle aussi exacerbation.

Chez les patients atteints d’une maladie pulmonaire chronique (asthme ou mucoviscidose), l’ABPA provoque une aggravation de la maladie pulmonaire préexistante.

Diagnostic

Le diagnostic d’ABPA est le plus souvent suspecté devant un asthme difficile à contrôler, malgré un traitement adapté et la survenue de manifestations cliniques inhabituelles pour un asthme (telles qu’une toux productive persistante, des expectorations de bouchons muqueux, etc.).

Si une exposition à des moisissures est soupçonnée, une analyse du sang est réalisée qui révèle une augmentation des taux d’éosinophiles et des immunoglobulines (Ig)E totales et spécifiques dirigés contre l’Aspergillus. Le scanner thoracique permet de mettre en évidence l’infiltration du champignon dans les voies respiratoires et une dilatation des bronches (bronchectasies).

Prise en charge

L’ABPA peut relever d’une affection à longue durée (ALD 14) lorsqu’il existe un asthme persistant sévère associé.

La prise en charge doit se faire dans un centre de référence ou/compétence des maladies pulmonaires rares. Elle repose à la fois sur l’éviction des moisissures dans le milieu domestique et professionnel et sur un traitement médical.

Elle a plusieurs objectifs : soulager les symptômes, améliorer la qualité de vie et éviter et traiter les complications et les exacerbations.

L’éviction des moisissures dans le milieu domestique : quelques exemples

  • Suppression des réservoirs à moisissures : eau stagnante, plantes en nombre avec terreau, litière/terrarium d’animaux, literie en laine ou en plumes (oreillers, couettes, matelas, etc.), stockage important de fruits secs, fruits et légumes, fleurs séchées en nombre, archivage de vieux livres, etc.
  • Éviter la présence d’animaux en surnombre, d’oiseaux dans le domicile ou de pigeons au niveau d’un balcon.
  • Éviter l’utilisation des climatiseurs, ou le cas échéant, l’entretien des filtres et des gaines doit être strict et les recommandations du fabricant doivent être respectées.
  • Aération du logement quotidiennement car l’humidité est facteur de prolifération majeur des moisissures
  • Travaux de tonte et de taille, manipulation de compost, le vidage des aspirateurs sans sac, quand ils ne peuvent être fait par une tierce personne, doivent être réalisés à l’extérieur avec un dispositif de protection respiratoire (type masque FFP2).
  • Nettoyer de façon approfondie les pièces d’habitation avant le retour à domicile (nettoyage humide). L’utilisation d’un aspirateur équipé d’un filtre HEPA est recommandée. Le balayage à sec est à éviter.
  • L’environnement domestique et les meubles doivent être maintenus propres, dépoussiérés et secs afin de limiter le développement de moisissures.

L’éviction des moisissures dans le milieu professionnel

Certaines professions exposent à des concentrations élevées de moisissures (exposition aux déchets de végétaux stockés et/ou en décomposition, aux litières d’animaux, à l’agro-alimentaire et aux matériaux du bâtiment). Si l’exposition ne peut pas être contrôlée, l’activité professionnelle doit être interrompue.

Les patients souffrant d’ABPA pourront bénéficier d’une visite auprès du Médecin du Travail afin d’envisager la nécessité d’adaptations du poste de travail.

En dernier recours, si les mesures préventives ne peuvent être mises en place ou se révèlent insuffisantes, un reclassement professionnel peut être nécessaire. Il est rappelé que le patient peut rencontrer son Médecin du Travail dans le cadre d’une visite de pré-reprise lorsqu’il est en arrêt maladie.

Les mesures générales

Le sevrage tabagique (s’il y’en a), l’activité physique adaptée et la vaccination (contre la grippe, le pneumocoque, le Sars-Cov2) sont indispensables dans l’ABPA afin d’améliorer le contrôle des symptômes d’asthme et de prévenir la survenue d’exacerbation.

Il est important d’éviter toute consommation de toxiques inhalés, en particulier celle de cannabis et chicha, qui sont une source d’exposition aux moisissures.

Les médicaments

Le traitement médicamenteux de l’ABPA comporte des corticoïdes par voie orale pendant plusieurs mois, avec un sevrage progressif à l’arrêt des symptômes. En cas de symptômes chroniques d’ABPA, une corticothérapie inhalée est prescrite à forte dose en combinaison avec un bronchodilatateur de longue durée d’action. Dans certains cas, il existe une corticodépendance qui justifie l’introduction d’antifongiques azolés (équivalent des antibiotiques mais contre les champignons).

Autres types de traitements

Kinésithérapie respiratoire : des exercices de kinésithérapie et de désencombrement des voies respiratoires peuvent aider à expulser le mucus au cours des exacerbations d’ABPA. Le rythme de la kinésithérapie respiratoire dépend de la sévérité de l’encombrement des voies aériennes.

Éducation thérapeutique et modification du mode de vie : l’éducation thérapeutiques joue un rôle primordial : par exemple, les travailleurs doivent savoir comment entreposer les matières pour prévenir la formation de moisissures et réduire la production de poussières. Ainsi, le contrôle de l’environnement est fondamental et concerne à la fois les expositions domestiques et professionnelles.

Suivi

Le suivi dans un centre de référence/ou compétence par une équipe spécialisée est important car il vise à s’assurer de la régression des symptômes et à gérer la diminution progressive et l’arrêt des éventuels médicaments prescrits. Il permet d’informer le patient et ses proches, de traiter les épisodes d’exacerbations et de rechutes, de maintenir une fonction respiratoire normale, mais aussi de veiller au respect des mesures d’éviction.

Le suivi peut nécessiter la réalisation de radiographies, des spirométries (mesures du souffle), et une prise de sang pour déterminer le taux sérique d’IgE.

Relecture par le Pr Cécile CHENIVESSE, pneumologue, coordinatrice du centre de référence constitutif des maladies pulmonaires rares (OrphaLung), CHU de Lille (avril 2022).