Le jeudi 08 février dernier, s’est tenue la webconférence organisée par Pharmaceutiques, la revue professionnelle de référence des décideurs politiques et économiques de la santé. Elle a eu pour thématique « Maladies rares – Des traitements pour tous ? ».

En ouverture, Pierre SANCHEZ, directeur de la publication de Pharmaceutiques, a accueilli le Pr Guillaume CANAUD, chercheur en médecine translationnelle à l’Hôpital Necker-Enfants Malades (AP-HP), Université Paris Cité et copilote de la préparation du quatrième Plan National Maladies Rares (PNMR4).

Il a passé en revue son parcours professionnel et notamment sa rencontre avec un patient atteint d’une forme grave de syndrome de Cloves, qui a conduit à obtenir un repositionnement et un accès précoce en moins de quatre ans pour une molécule qui était en phase I d’un essai clinique en oncologie, grâce à la collecte de données en vie réelle à l’échelle internationale sur l’efficacité de la molécule dans cette indication. Cette expérience, selon lui, a prouvé que la collaboration entre les industriels, le milieu hospitalier, les associations de patients et les autorités compétentes peut faire avancer les procédures pour accélérer les accès aux traitements. Le professeur a également cité les quatre groupes de travail mis en place pour l’élaboration du Plan National Maladies Rares PNMR4, qui sera dévoilé le 29 février prochain, visant à couvrir tous les champs de ces pathologies, à savoir : le lien ville-hôpital, l’accès au diagnostic, l’innovation thérapeutique ainsi que l’accès aux bases de données et aux biocollections.

Table ronde 1 : comment adresser davantage de maladies ?

La table ronde a été modérée par Julie WIERZBICKI, journaliste de Pharmaceutiques. Les différents intervenants : Terence BEGHYN, président & cofondateur de APTEEUS, Elsa BRILLAUD, cofondatrice et directrice générale de PannTheraPi, Dr Christine FETRO, responsable valorisation recherche & partenariats industriels à la Fondation Maladies Rares, Céline KHALIFE, General Manager à France & BeLux, Alexion, AstraZeneca Rare Disease et Sophie SAUNIER, chef d’équipe, laboratoire des maladies rénales héréditaires à l’institut Imagine et directrice de recherche à l’Inserm, ont pu échanger et partager leurs perspectives sur les leviers et les stratégies à adopter pour que chaque patient puisse bénéficier d’un traitement adapté :

  • La connaissance de l’histoire naturelle avec la compréhension des mécanismes physiopathologiques est primordiale pour la conception des projets de recherche et de développement ;
  • La collaboration et le partage d’expertise entre la recherche académique et les industriels sont d’un intérêt pour adresser les maladies rares de façon optimale ;
  • Le repositionnement des molécules constitue un élément clé car il permet un accès rapide, plus efficient et avec plus de sécurité.

Keynote “le biocluster genother au service du développement de la thérapie génique en France” : implication pour les maladies rares

Dans cette troisième partie de la matinée, Angela COLUMBANO, directrice business développement et partenariat à Généthon, organisme à but non lucratif, créé en 1990 par l’AFM téléthon, qui a pour mission la conception et le développement de médicaments de thérapie génique pour les maladies rares, a présenté « Genother » qui a été labellisé biocluster thérapie génique par le président de la République en 2023. Le but est de créer un écosystème unique en France axé sur le regroupement de leaders de renommée mondiale dans ce volet, donner accès aux différents acteurs à des plateformes technologiques couvrant chaque étape du développement du médicament, favoriser le lien public-privé ainsi que la formation, et enfin, revaloriser et accompagner des start-ups à fort potentiel.

Table ronde 2 : comment gérer le hors-AMM ?

Jean-Philippe PLANÇON, responsable des affaires publiques et référent médicaments à l’Alliance Maladies Rares, rappelle que :

  • 75 % des maladies rares apparaissent dès l’enfance, dont 80 % sont d’origine génétique ;
  • le pronostic vital est engagé chez la moitié des patients ;
  • 95 % des pathologies n’ont pas de traitement adapté.

Laura TOURVIEILHE, pharmacienne en charge de l’observatoire des traitements des filières MHEMO et FAVA-Multi, a abordé l’observatoire des traitements mis en place au sein des filières de santé maladies rares, et piloté par la direction générale de la santé (DGS), visant à gérer les accès dérogatoires à des médicaments innovants. Elle a également souligné l’importance du groupe interfilière de l’observatoire des traitements (GRIOT) dans le partage des connaissances et des informations pour accélérer ces accès.

Suite à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 réformant les accès dérogatoires, en plus de l’accès précoce (AP) en pré AMM ou en post AMM pour la prise en charge, la législation a défini l’accès compassionnel (AC) relatif aux médicaments ayant une AMM dans d’autres pays et le cadre de prescription compassionnelle (CPC) des médicaments ayant une AMM dans d’autres indications.

Sébastien BOUCLÉ, chef de pôle accès précoces et compassionnels à l’Agence Nationale de la Sécurité des Médicaments (ANSM), rapporte que plus de 57 000 demandes d’accès précoces ont été déposées en 2023 et que depuis la réforme, cinq nouveaux CPC ont été autorisés (un seul pour un traitement dans une maladie rare), 28 CPC sont en cours d’instruction dont la moitié concerne des maladies rares.

L’articulation entre les différents acteurs impliqués dans les maladies rares, notamment les associations de patients est essentielle pour faciliter la mise en place de ces procédures afin d’accélérer l’accès aux traitements. Il n’y a pas de délais concernant la délivrance de ces accès. La mise en place des essais cliniques dans ce volet pour l’évaluation de l’efficacité et de la sécurité est complexe (petite cohorte, molécules onéreuses, etc.) d’où l’importance du recueil de données en vie réelle via des registres, dans le Set de Données Minimum Traitement (SDM-T) de la Banque Nationale de Données Maladies Rares (BNDMR) …etc. pour apporter plus d’arguments en faveur de ces prescriptions.

Table ronde 3 : comment garantir l’accès aux traitements ?

Souad MAZARI, fondatrice et présidente de l’association NMO France, a partagé son expérience vis-à-vis de la neuromyélite optique, une maladie inflammatoire démyélinisante du système nerveux central qui touche les nerfs optiques et/ou la moelle épinière. Le traitement au moment de la poussée est indispensable pour prévenir des séquelles graves voire invalidantes. Le but de son association est de faire connaitre la maladie et d’accompagner les patients. Trois molécules sont utilisées en hors AMM mais malheureusement tous les patients n’ont pas accès à ces traitements.

Floriane PELON, directrice de l’évaluation et de l’accès à l’innovation à la Haute Autorité de Santé, explique que la HAS, intervient à deux niveaux : dans le cadre du droit commun et celui de l’accès précoce. Dans cette optique, la commission de transparence a rappelé que les essais contrôlés randomisés sont arbitraires pour justifier l’usage d’une molécule. Cependant, ces essais ne sont pas toujours faisables notamment dans le cadre des maladies rares. D’autres types d’approches sont envisageables telles que la comparaison indirecte sous différents critères : anticiper le groupe comparateur, appariement robuste entre les patients, l’exhaustivité des données recueillies ainsi que l’expérience patient sur la qualité de vie.

Anne-Sophie LAPOINTE, cheffe de projet Mission Maladies Rares, Direction Générale de l’Offre de Soins, Ministère du travail, de la santé et des solidarités, a pu expliciter de nombreux atouts du troisième Plan National Maladies Rares (PNMR3) :

  • Les programmes d’éducation thérapeutique mis à profit des patients et des aidants ;
  • L’intégration des maladies rares dans le cursus des étudiants en sciences médicales ;
  • Les protocoles nationaux de diagnostic et de soins (PNDS) pour les professionnels de santé ;
  • Le renforcement de l’axe diagnostic en articulation avec le Plan France Médecine Génomique (PFMG2025).

D’un point de vue industriel, Valérie RIZZI-PUÉCHAL, directrice Business Unit Maladies Rares à Pfizer France, estime qu’il faudrait créer un écosystème adapté aux innovations de ruptures notamment les thérapies géniques surtout dans les maladies où il n’y a aucune alternative thérapeutique. Elle précise que ces innovations doivent être accompagnées d’une révolution de prise en charge, de plus de décrets cadrant ces usages ainsi que de collecte de données pour réviser le mode d’évaluation de ces nouvelles thérapies.

EURORDIS – Rare Diseases Europe est une alliance unique à but non lucratif regroupant plus de 1000 organisations de patients atteints de maladies rares de 74 pays qui travaillent ensemble pour améliorer la vie de patients atteints de maladies rares en Europe et dans le monde. Simone BOSELLI, directeur des affaires publiques, EURORDIS, souligne que grâce à la règlementation européenne établie depuis 2000, près de 300 médicaments sont autorisés au niveau européen. Il propose plusieurs axes d’amélioration, tels que :

  • Le recours à l’intelligence artificielle dans la médecine préventive pour approfondir les connaissances sur phénotypes et les génotypes ;
  • Le partage des informations via les réseaux experts européens (ERN) ;
  • Trouver un équilibre entre le développement des médicaments sous la protection des données et un accès équitable entre les états membres ;
  • Rendre obligatoire la prise en charge des médicaments.

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