Les 5èmes Rencontres Maladies Rares se sont tenues le 6 juillet dernier en format 100% digital.  Présidées par M. Philippe Berta, député du Gard, président du groupe d’études “Maladies rares” et Mme Catherine Deroche, sénatrice du Maine-et-Loire et Présidente de la commission des Affaires Sociales, elles ont permis de réunir parlementaires, autorités de santé, associations de patients, laboratoires pharmaceutiques et professionnels de santé pour échanger autour de l’accès des patients aux médicaments innovants et leur prise en charge dans les maladies rares.

Session d’ouverture

Vers un succès du 3e Plan Maladies rares ?

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Mme Anne-Sophie Lapointe, cheffe de projet mission maladies rares (DGOS)

En ouverture, Anne-Sophie Lapointe, cheffe de projet de la mission maladies rares à la direction générale de l’offre de soins (DGOS), a pu préciser que le succès du Plan national maladies rares 3 (PNMR3) se mesure pour elle à travers un « indicateur » principal : le patient lui-même en rappelant que les 11 axes et 55 actions doivent lui être bénéfiques. Elle précise alors les 2 axes principaux :

  • un diagnostic plus rapide avec l’accès possible au plateforme de séquençage à haut débit lorsque cela est indiqué. . Le travail des filière de santé maladies rares (FSMR) en lien avec la Banque Nationale de données Maladies Rares (BNDMR) doit également permettre de repérer les patients sans diagnostic.
  • le 2nd enjeux réside dans l’accès aux traitements (biothérapie, thérapie génique, etc.) avec le non mésusage de traitement, l’accès aux thérapies innovantes. Pour ce faire, elle rappelle que la DGOS a financé près de 300 Protocoles Nationaux de Diagnostic et de Soins (PNDS) qui seront publiés d’ici 2022. Ils doivent permettre une équité territoriale car ils sont le fruit d’un consensus sur le parcours diagnostic, l’accès au traitement.
  • 3ème point, le parcours de vie, avec quasiment 200 programmes d’éducation thérapeutique du patient (ETP). L’ETP, initialement conçu pour permettre une meilleur observance ouvre maintenant au patient le champ du choix, il créé une dynamique des écosystèmes en facilitant le lien hôpital / ville.

Les traitements innovants arrivent …Les avancées sont majeures. Beaucoup de traitements sont prescrits hors AMM. C’est nécessaire d’effectuer un repérage de molécule hors AMM et de transmettre les données à l’ANSM. La clef : c’est la coopération.

Autre levier contre l’errance diagnostique soulevé par Mme Anne-Sophie Lapointe : la formation

“Elle est essentielle, elle permet d’orienter le patient vers le bon centre. Maintenant, les étudiants en médecine ont un module maladies rares dans leur cursus.

Le Pr Sylvie Odent, chef du service de génétique clinique au CHU de Rennes, co-auteur du 3e Plan maladies rares, s’est dite optimiste, positive sur les avancées du PNMR3 et a insisté sur l’importance de décliner et de pérenniser cette politique sur les territoires avec les acteurs locaux (les plateformes d’expertise maladies rares, les relais handicaps rares, …).

Le Pr Daniel Scherman, Président du Conseil d’Administration de la Fondation Maladies Rares, a quant à lui fait un point sur l’axe 5, impulser un nouvel élan à la recherche sur les maladies rares, et 6, favoriser l’émergence et l’accès à l’innovation du PNMR3. Il a insisté sur l’aspect primordial de l’accès aux plateformes de séquençage à haut débit AURAGEN et SeqOIA pour lutter contre l’errance diagnostique et rappelé le succès des appels à projet « Recherche » au sens large qu’ils soient scientifiques ou en sciences humaines et sociales.

En conclusion de cette session d’ouverture, les intervenants se sont accordés sur le fait que l’écosystème est prêt à monter une marche” et que l’interaction entre les acteurs (le Ministère des solidarités et de la santé, le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, le Plan Cancer, le PNMR3, le PFMG2025) a permis d’avancer malgré la crise sanitaire.

Table ronde 1

Comment améliorer l’accès des patients aux traitements innovants ?

Mme Catherine Deroche, sénatrice du Maine-et-Loire, présidente de la commission des Affaires sociales, introduit cette 1ère table ronde en affirmant que les objectifs du PNMR3 sont très ambitieux en luttant contre l’impasse diagnostique et a mis l’accent sur le dépistage néonatal qui permet d’appliquer une thérapie génique à un stade précoce. « La recherche, l’éducation thérapeutique, le soutien psychologique suite à l’annonce du diagnostic, la télémédecine, l’optimisation d’exploitation des données sont autant de leviers dont il ne faut pas se priver. »

Mme Catherine Deroche, sénatrice du Maine-et-Loire, présidente de la commission des Affaires sociales

Par ailleurs, le Pr Olivier Blin, chef de service de pharmacologie clinique et pharmacovigilance à l’AP-HM, coordonnateur de la plateforme dédiée aux spécificités des essais cliniques dans les maladies rares OrphanDev, assure que “la collaboration public/privé et les bases de données, l’intelligence artificielle feront la différence pour arriver à la marche d’après.”

Quelles pratiques européennes reproductibles en France ?

Une méthode simple : s’appuyer sur les forces de nos voisins européens afin d’en tirer des recommandations simples, faciles à mener.

15 pays européens étudiés, dont 5 retenus sur la base de 5 critères

Le Dr Thierry Marquet, Directeur, Accès des Patients à l’Innovation, Takeda, relève que la France peut mieux faire en matière de codage. Il précise que l’Allemagne est en avance. Cependant d’après les patients, la France est bien placée ainsi que le Danemark, l’Italie est inspirante. Lors de cette session, aux côtés du Dr Pierre-Olivier Boyer de PTC-Therapeutics France et Président de Gran-TG, de M. Christophe Duguet, Directeur des affaires publiques chez AFM-Téléthon, ont été évoquées les difficultés d’évaluer un traitement que ce soit une molécule, de la thérapie génique, cellulaire, un dispositif médical (petit nombre d’experts et problématique des liens d’intérêts, nombre réduit de patients, manque de données en vie réelle, incertitudes élevées pour certains produits). Passer à une échelle européenne semble opportun selon le Dr Thierry Marquet, comme repenser l’évaluation de la valeur des traitements pour permettre l’accès aux patients avant l’accès au marché selon M. Duguet. Les données recueillies dans le cadre des essais cliniques sont souvent immatures à la fin de l’essai ce qui nécessiterait des réévaluations des premières évaluations au fil du temps.

Table ronde 2

Comment renforcer le leadership français dans la lutte contre les maladies rares ?

Pour cette 2nde table ronde, Mme Catherine Deroche évoque plusieurs points pour renforcer le leadership français :

  • notre capacité à nous imposer sur l’innovation
  • notre atout : la recherche clinique et hospitalière de haut niveau
  • les financements publics

L’objectif étant de limiter l’errance diagnostique à 1 an.

Puis, Mme Marie-Pierre Bichet,  nouvelle présidente de l’Alliance Maladies Rares, évoque le projet des pairs-aidants pour accompagner les malades et les aidants à une meilleure autonomie et ajoute « Il y aura des relabellisations des centres de référence en 2022, des filières en 2023. Il s’agit d’ajuster, de renforcer les moyens sur le territoire. C’est la base de la prise en charge ».

Marie-Pierre Bichet, Présidente de l’Alliance Maladies Rares
Pr Stanislas Lyonnet, Directeur de l’Institut Imagine

Le Pr Stanislas Lyonnet, directeur de l’Institut des maladies génétiques Imagine, mentionne l’intérêt de créer des « hubs » pour favoriser la synergie entre le scientifique et le médical qui permet de stimuler la volonté d’action et « d’améliorer la qualité de vie des malades en regroupant tous les acteurs en un même endroit », complète Mme Marie-Pierre Bichet.

Mme Valérie Rizzi-Puechal, directeur du groupe Maladies Rares chez Pfizer, alerte sur le retard que prend peu à peu la France dans les essais de phase I, II et à présent de  phase III. Elle invite la France à renforcer 3 champs principaux:

  • les essais cliniques ;
  • l’innovation ;
  • l’harmonie entre tous les acteurs (industriels, chercheurs, professionnels de santé, patients).

L’attractivité dans la production et son intégration dans les critères d’évaluation du médicament font aussi partis des leviers.

Mme Valérie Rizzi-Puechal, Directeur du groupe Maladies Rares chez Pfizer

Table ronde 3

Faciliter l’accès aux thérapies innovantes : comment aller plus loin ?

M.Yann Lecam, Directeur général d’EURORDIS

Pour cette dernière table ronde, M. Yann Le Cam, directeur général d’EURORDIS, fédération européenne d’associations de patients de maladies rares, intervient et invite à initier un nouveau cadre au niveau européen, à privilégier une approche d’ensemble, à améliorer l’interopérabilité des données, à produire des standards, donner des moyens. A l’heure où les frontières soin/recherche fondent, il espère un cadre politique pour les 10 prochaines années, avec l’arrivée de la France à la Présidence européenne en 2022.

Aujourd’hui, 30-40 produits de thérapies géniques existent et pour assurer le continuum de ce développement jusqu’au patient, Yannick Fontes, General Manager France de BioMarin, incite à réfléchir à un mode inclusif qui permettrait une belle collaboration, coopération de tous les acteurs. Ce système simplifierait également les procédures. La thérapie génique nécessite une autre approche de l’investissement.

Le Dr Anne Galy, directrice de l’unité de recherche mixte Inserm « Approches génétiques intégrées et nouvelles thérapies pour les maladies rares » à Généthon, souhaiterait que la France intensifie les essais cliniques tout en créant des partenariats avec ces biotechs afin de lutter contre la fuite de ces essais à l’étranger, pour produire le plus de candidats médicaments possible et de la meilleure qualité possible. Face aux difficultés rencontrées de recrutement aux essais cliniques, le Dr Arnaud Bedin, directeur médical de Boehringer Ingelheim France, ajoute qu’il est crucial de les rendre beaucoup plus visibles pour les patients et en accord avec l’introduction d’Anne-Sophie Lapointe (DGOS) insiste sur le fait qu’un Plan ne se fait pas seul, la collaboration public/privé est nécessaire.
Enfin, Arnaud Sandrin, directeur opérationnel de la Banque Nationale des Données Maladies Rares (BNDMR) précise que durant ce PNMR3, nous sommes passés d’un approche « artisanale, au fil de l’eau » à une approche plus systématisée des traitements des données, que la France regorge de données de santé et qu’il faut faciliter le chainage pour passer en un délai plus court des laboratoires aux publications dans les revues scientifiques.

Pour conclure cette journée, M. Philippe Berta, Député du Gard, Président du groupe d’études “Maladies rares”, rappelle qu’il existe près de 7000 maladies rares et que tous les patients sont pris en compte sur tout le territoire qu’avec le Plan Santé, la préservation de la loi de bioéthique, il faut maintenant passer à un autre échelon (Europe) afin de trouver un modèle économique viable.
Les maladies rares nécessitent une médecine personnalisée. Il appelle à l’élaboration d’un 4e plan national maladies rares dès à présent pour aller plus loin dans le diagnostic, incluant les nouvelles thérapies et biothérapie et invite :

à ne rien lâcher jusqu’à l’aboutissement.

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