Les 2 et 3 juin 2023, s’est tenu le 4ème congrès de l’Alliance maladies rares à l’hôtel Novotel de Charenton-le-Pont. Cet événement annuel a rassemblé les associations de patients, les représentants des filières de santé maladies rares (FSMR), les experts des autorités compétentes et a pu offrir un programme très riche avec huit ateliers thématiques (axés sur le diagnostic, la recherche et le parcours de soins), des plénières et des stands d’exposition, en vue d’échanger, de partager, de repérer les besoins et de structurer les enjeux d’un 4ème plan national maladies rares (PNMR). RespiFIL a assisté à la plénière d’ouverture durant la matinée, et aux ateliers « renforcer l’accès aux traitements » et « améliorer le lien ville-hôpital » pendant l’après-midi. À noter que la deuxième journée du congrès a été consacrée et réservée exclusivement aux associations membres.
Le 3ème plan national maladies rares va bientôt faire l’objet d’une évaluation et un nouveau plan (PNMR) s’impose avec de nouvelles actions et de nouveaux défis tels que la collaboration interministérielle, le renforcement de la recherche et de l’innovation, ainsi que l’amélioration de la prise en charge.
Hélène Berrué-Gaillard, présidente de l’Alliance, a souligné que malgré les atouts accomplis lors des précédents plans nationaux maladies rares, plusieurs défis sont indispensables à relever dans le futur PNMR4 pour l’amélioration du parcours de soins que ce soit dans le dépistage, le diagnostic ou l’accès aux traitements. Jacques Bernard, co-fondateur de l’Alliance, a rappelé le rôle crucial de l’Alliance Maladies Rares en tant qu’un intermédiaire essentiel entre les patients et les autorités compétentes.
Anne-Sophie Lapointe, cheffe de projet de la mission maladies rares à la direction générale de l’offre de soins (DGOS), au Ministère de la Santé et de la Prévention a affirmé que la France occupe une place « leader » en Europe grâce à l’organisation et aux dynamismes mis en place, qui sont le fruit de la coopération et l’engagement des associations de patients avec les autorités sanitaires. Elle a ajouté qu’avec la nouvelle labellisation, une revalorisation budgétaire sera mise à disposition des filières de santé maladies rares (FSMR) afin de financer les centres de référence et les appels à projets.
Le Pr Véronique Paquis-Flucklinger, à la direction générale de la Recherche et de l’Innovation, Ministère en charge de la Recherche, à son tour pris la parole en précisant que l’offre de soins et la recherche sont « extrêmement liées » et qu’une dynamique interministérielle est incontournable pour faire avancer le parcours « innovation ». Elle a expliqué que le financement de la recherche est complexe et qu’il ne peut se faire que dans le cadre d’appels à projets. Bien qu’il existe de nombreuses sources de financement, faciliter l’accès aux données de santé demeure indispensable pour la recherche que ce soit à l’échelle nationale ou internationale malgré la complexité de l’accès aux traitements des maladies rares.
À l’issue de cette session d’ouverture, et après les échanges très enrichissants entre les intervenants et l’ensemble des participants présents dans la salle, les membres de l’Alliance ont présenté les différents ateliers prévus pour la deuxième partie de la journée.
Cet atelier animé par Jean-Philippe Plançon, vice-président de l’Alliance a été très fructueux abordant plusieurs aspects visant à améliorer la prise en charge thérapeutique des maladies rares autour d’une table ronde composée d’Anne-Sophie Lapointe, Catherine Raynaud, présidente du comité maladies rares du LEEM (les entreprises du médicament), Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), Christophe Duguet, directeur des affaires publiques de l’AFM-Téléthon, Bénédicte Belloir, cheffe de projet adjointe de la filière BRAIN-TEAM et Laura Tourvieilhe, pharmacienne en charge de l’observatoire des traitements des filières FAVA-MULTI et MHEMO.
Les deux représentantes des filières ont abordé l’observatoire des traitements mis en place au sein des FSMR, et piloté par la direction générale de la santé (DGS). Cet observatoire vise à garantir un accès plus rapide à des médicaments innovants pour les patients atteints de maladies rares (accès précoce) et une éventuelle prise en charge par l’assurance maladie (cadre de prescription compassionnelle) après évaluation. Elles ont également présenté la base de données Observatoire Traitements « 16com » créée à partir de référentiels connus tels que Orphanet, Thériaque, etc. dans le but d’homogénéiser les données notamment sur les prescriptions communes en interfilière et d’uniformiser les recensements. Cet outil est déjà adopté par certaines filières.
À la fin de cette présentation, les intervenants ont pu dévoilé différents axes tels que le rôle des filières et des associations de patients dans la mise en œuvre de cet observatoire, les mesures à entreprendre pour limiter les ruptures de stocks, la collecte des données de prescription en temps réel (le Set de Données Minimum Traitements de la banque nationale maladies rares BNDMR) et enfin, la discussion sur la mise en place d’un cahier de charges type au sein de l’ANSM pour optimiser et renforcer les demandes de prescription compassionnel (CPC).
Un atelier animé par Cécile Foujols-Gaussot, vice-présidente de l’Alliance, et Maggy Surace, membre du conseil national de l’Alliance et présidente de l’association HTaPFrance.
Christophe Divernet, directeur interrégional des services régionaux de l’AFM-Téléthon, a mis le focus sur plusieurs éléments auxquels il faut se baser pour construire le futur plan maladies rares :
- Mettre en place des dispositifs pour améliorer la coordination des patients en cas d’urgence ;
- Faciliter le recrutement de personnels qualifiés tels que les infirmiers en pratique avancée (IPA), les infirmiers coordinateurs, etc. ;
- Améliorer le volet de la télémédecine afin de fluidifier les échanges entre les professionnels de santé ;
- Harmoniser et optimiser le parcours de soins dans les maladies rares en se basant notamment sur la communication.
Par la suite, le Pr David Geneviève, coordonnateur du centre de référence constitutif des anomalies du développement et syndromes malformatifs du Sud-Ouest Occitanie Réunion (filière AnDDI-Rares), a insisté sur l’importance de mettre fin à l’errance diagnostique et a présenté le dispositif régional « Maladies Rares Occitanie » visant à apporter un appui et une expertise aux professionnels de proximité et aux centres de référence en partenariat avec les associations de patients. Il a également mis en lumière les dispositifs d’appui à la coordination (DAC) qui viennent également en appui aux professionnels de santé, sociaux et médico-sociaux faisant face à des personnes cumulant diverses difficultés et à des besoins de santé complexes. L’expert reste optimiste en estimant que même la recherche au niveau local pourrait être envisageable.
Le Pr Claude Desnuelle, vice-président de l’Association pour la Recherche sur la Sclérose Latérale Amyotrophique et autres maladies du motoneurone (ARSLA), a rapporté son expertise dans la prise en charge de cette pathologie complexe et dont l’évolution est très rapide et a expliqué que c’est aux centres de référence de coordonner le parcours de soins dans sa totalité en lien avec les médecins de ville (bien que ces derniers ne sont pas valorisés) et d’organiser les soins au domicile du patient en fournissant du matériel d’aide technique nécessaire. Ainsi, la création d’un guichet unique « ville-hôpital » serait d’un intérêt majeur pour simplifier les échanges entre l’hôpital et la ville.
Amélioration du lien ville-hôpital : quelles actions pour NeuroSphinx ?
Le Pr Célia Crétolle, coordinatrice de la filière NeuroSphinx a présenté les actions menées au sein de la filière pour améliorer le lien ville-Hôpital, par exemple :
- Comptes rendus médicaux envoyés systématiquement aux médecins traitants ;
- Travail en lien avec les Services d’Éducation et de Soins Spécialisés à Domicile (SESSAD), l’association médico-sociale de province (AMSP) et les soins de suite et de réadaptation (SSR) ;
- Travail avec des prestataires privés à domicile.
Amélioration du lien ville-hôpital : du point de vue des autres filières
D’après un questionnaire basé sur le rapport du Dr Jean-Pierre Jardry, médecin généraliste libéral et administrateur à la Fédération Hospitalière de France (FHF), adressé par NeuroSphinx aux 23 filières de santé maladies rares, huit d’entre elles ont pu y répondre. Parmi les résultats :
- 75 % des filières ont connaissance des réseaux et structures de prise en charge en ville ;
- 50 % ont déjà apporté leur aide à un centre de leur filière pour mettre en place ou améliorer une action novatrice visant à renforcer le lien ville-hôpital ;
- 83,3 % considèrent que les structures médico-sociales de ville (SESSAD, SSR, etc.) comme des éléments de réseaux pertinents pour relayer et développer les synergies ville- hôpital ;
- 71,5 % estiment que les associations de patients sont des réseaux pertinents pour relayer le lien ville-hôpital ;
- 40 % se déclarent favorables au développement d’essais décentralisés visant à encourager la recherche clinique en dehors des structures hospitalières.
Les praticiens hospitaliers ont identifié plusieurs obstacles majeurs selon les filières, tels que la non synchronisation des dossiers médicaux avec « mon espace santé », les passages aux urgences non répertoriés, la réticence et inquiétude des médecins de ville à prendre en charge ces patients, etc.
Vincent Vauchel, chef de projet adjoint mission maladies rares, à la direction générale de l’offre de soins (DGOS), au Ministère de la Santé et de la Prévention, a conclu cet atelier en soulignant que l’objectif du PNMR4 serait de « lier les personnes entre elles » en favorisant le partage des données et des informations. Un groupe de travail sera dédié au « parcours de vie » pour renforcer le lien ville-hôpital en mettant au point des projets pilotes à disposition des filières.
En conclusion, cette quatrième édition du congrès a été un véritable succès, avec la présence de 230 personnes. Nombreux sont les défis à relever pour la conception et la réussite d’un futur plan maladies rares. La mise en place de moyens humains, financiers et organisationnels serait un enjeu majeur pour mettre fin à l’errance diagnostique notamment grâce au séquençage de haut débit, permettre l’accès aux thérapies innovantes et la coordination de la prise en charge entre les professionnels de santé institutionnels et libéraux.
Les prochaines années seront prometteuses si l’ensemble des autorités compétentes et les associations de patients, qui ont meilleure connaissance de la vie réelle, maintiennent le travail en collaboration telle est la devise de l’Alliance : « ensemble changeons l’histoire ».