La plateforme d’expertise maladies rares de Bourgogne Franche-Comté (PEMR BFC) organisait, en visioconférence, le mardi 5 octobre dernier sa 5ème Réunion Patients – Familles – Soignants consacrée aux « Douleurs et maladies rares ».
Une quarantaine de participants a pu suivre, pour la partie adulte, le témoignage de Mme Valérie GISCLARD, atteinte d’un syndrome d’Ehlers-Danlos hypermobile et la présentation médicale du Dr Philippe RAULT, algologue au CHU de Dijon. Il s’ensuivit un temps d’échange avec les questions de l’auditoire portées par la Pr Laurence OLIVIER-FAIVRE, coordonnateur médical de la plateforme. Dans un deuxième temps, pour les aspects pédiatriques, le Dr Anne GALLO, pédiatre algologue au CHU de Dijon a pu présenter les caractéristiques de la prise en charge de la douleur chez l’enfant avant la diffusion du témoignage de Mme DUBARRE, maman de Laura, atteinte d’un syndrome de Phelan-Mac-Dermid.
Selon l’International association for the study of pain , la douleur est une expérience désagréable sensorielle et émotionnelle associée ou ressemblant à celle associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle. Cette définition inclut les individus non communiquant ou en situation ne permettant pas de communiquer et notamment les enfants en bas âge qui ont d’autres moyens de manifester leur douleur. Elle montre aussi la complexité de sa prise en charge car la douleur n’est pas qu’une sensation, c’est une émotion et cela peut avoir diverses répercussions.
La douleur est faite de 4 composantes exprimées plus ou moins par l’individu :
- La composante sensori-discriminatives concerne la durée, l’intensité, la localisation et donc les caractéristiques de la douleur.
- La composante affectivo-émotionnelle donne la tonalité désagréable et pénible de la douleur. Comme son nom l’indique elle peut être modulée en fonction du contexte, des émotions, de sa propre expérience de la douleur, de l’entourage.
- La composante cognitive nécessite des processus mentaux complexe comme l’attention, la distraction, l’interprétation en faisant référence aux expériences passées et aux attentes futures.
- La composante comportementale représentée par les manifestations verbales, non verbales, l’attitude corporelle, les expressions du visage, la plainte, le retrait. Elle peut facilement être modulée par le milieu culturel, l’attitude familiale, des soignants.
Il existe 3 types de douleurs :
- Nociceptive = liée à lésion tissulaire (mécanique, thermique, inflammatoire),
- Neuropathique = atteinte du système nerveux, terminaison nerveuse
Souvent dans les maladies rares, les patients présentent des douleurs mixtes qu’il faut prendre en considération.
- Nociplastique = absence de preuve de lésion tissulaire, on part du principe qu’il existe une plainte douloureuse et on la prend en charge.
Différentes intensités :
Prise en charge globale multidimensionnelle
Le Dr RAULT a pu détailler les traitements médicamenteux connus chez l’adulte comme les antinociceptifs (Paracétamol, AINS, codéine morphine, etc.) mais aussi les anti-sensibilisants comme le Lyrica® et le Neurontin® ou encore les modulateurs émotionnels que sont le Laroxyl®, le Cymbalta®, etc. Il a également évoqué les traitements locaux : patch de lidocaïne, de capsaïcine, les thérapies laser utilisées dans les douleurs musculo-squelettiques et la neurostimulation transcutanée (TENS) qui est réalisée au moyen de patchs que positionne le patient lui-même et qui fait ses preuves dans 80% des utilisations. Enfin, il a abordé un traitement plus innovant en cours de développement au CHU de Dijon : la stimulation transcranienne répétitive (rTMS) qui associe un stimulateur à un neuronavigateur ce qui permet de repérer la zone à traiter dans le cerveau.
D’autres méthodes complémentaires comme l’activité physique et l’hypnose ont été évoquées et le Dr RAULT a mis en garde quant à l’importance de la formation initiale médicale de ces thérapeutes. Ainsi, l’hypnose a pour avantage de pouvoir se pratiquer à domicile par l’auto-hypnose (une fois le patient formé) ce qui permet d’entretenir les phénomènes antalgiques. Le médecin préconise aussi la pratique d’activité physique qu’il juge de bénéfique puisqu’elle limite le déconditionnement à l’effort, prévient la sédentarité et problèmes liés, et permet d’améliorer l’humeur. Les patients ne sont pas forcément dans l’obligation d’exercer une activité sportive physique intense, il leur suffirait de monter des escaliers, effectuer des tâches ménagères, aller au travail en vélo, etc.
Enfin l’EMDR, ou mouvements oculaires alternatifs a été présenté. Habituellement utilisée en cas de psycho-traumatismes, cette pratique peut permettre de réhabiliter des patients qui ont eu un fort trouble émotionnel notamment à l’annonce du diagnostic. Le Dr RAULT insiste sur la complémentarité de ces différents traitements, la nécessité d’une prise en charge globale qui doit permettre une amélioration des patients dans les 6 mois à 1 an de suivi au centre anti-douleur.
Evolution des voies de la douleur au cours de la vie
Pour les aspects pédiatriques, le Dr. Le GALLO a rappelé que déjà In utero, le fœtus perçoit dès le 3ème trimestre de grossesse la douleur, ainsi, un prématuré, un nouveau-né, un jeune enfant peuvent expérimenter la douleur. Il est donc très important de la prendre en considération d’autant que les mécanismes de contrôle inhibiteur qui essayent de diminuer les perceptions douloureuses sont immatures à la naissance. Ainsi le nouveau-né est envahi par la douleur, étant donné qu’il n’en a pas le contrôle.
La perception de la douleur diffère selon l’âge, le degré de maturité, l’autonomie, le développement, l’environnement, ainsi ses 4 composantes peuvent s’exprimer différemment. Les dimensions affectivo émotionnelle et comportementales seront les plus facilement exprimées par les enfants de moins de 6 ans et pourront être évaluer grâce à des échelles.
Douleurs et maladies rares
Dans le cadre des maladies rares, des maladies à transmission familiale (parents, fratrie, autres proches) et des maladies chroniques, les représentations de la maladie, de la douleur, de la mort peuvent être modifiées et dépendent également du développement psycho-affectif, de l’évolution des voies de la douleur.
Les traitements médicamenteux chez l’enfant sont limités, ils peuvent entrainer des effets indésirables lorsqu’ils sont combinés aux traitements de la maladies rare. La prise en charge doit donc être globale avec de la kinésithérapie, de l’activité physique adaptée pour se mobiliser et limiter l’apparitions d’autres manifestations, les méthodes psycho-corporelles comme le suivi par des psychologues du monde de l’enfance.
Le projet thérapeutique évolue au cours du temps par de petites posologies que l’on peut augmenter, en essayant d’inclure les intervenants hospitaliers, le médecin référent mais aussi l’école, le médecin traitant, l’infirmier, le kinésithérapeute pour travailler tous ensemble sur la prise en charge multidimensionnelle de la douleur qui découle du traitement, des soins, gestes opératoires, avec des migraines, infections, traumatismes qui peuvent s’ajouter aux douleurs connues.
En conclusion, chez l’adulte comme chez l’enfant, Les équipes n’ont pas pour objectif de faire disparaître la douleur car c’est un signal d’alerte inhérente à la vie, mais de diminuer sa durée, son intensité afin d’estomper la musique douloureuse et permettre une reprise d’activités, augmenter la qualité de vie avec une douleur qui n’est qu’en arrière-fond.