La Fondation Maladies Rares est une fondation de coopération scientifique à but non lucratif ayant pour missions d’accélérer la recherche sur les maladies rares et contribuer à l’amélioration de la prise en charge diagnostique et thérapeutique des patients.

Le 15 mai s’est tenu son colloque scientifique annuel sur le campus des Cordeliers, à Paris. L’occasion de réunir des chercheurs, cliniciens et participants de tous horizons sur la thématique globale « recherche et progrès : vers de nouvelles voies pour les maladies rares ». Cette journée à laquelle nous avons pu assister a mis en lumière des projets particulièrement innovants dans le domaine des traitements, des sciences humaines et sociales et a permis d’en apprendre davantage sur un domaine en plein essor : l’intelligence artificielle, les données de santé et la e-santé.

Les échanges avec les partenaires institutionnels, les associations et les professionnels ayant présenté leurs posters sous le cloître se sont déroulés tout au long des temps informels.

Dans cet article, nous avons choisi de nous concentrer sur les sessions aux thématiques transversales, susceptibles d’apporter des éclairages utiles aux patients atteints de maladies respiratoires rares.

De nouveaux horizons pour les maladies rares

Les approches humaines et sociales exposées portaient sur :

Le Pr Jean-Philippe COBBAUT, Centre d’Éthique Médicale de l’Université Catholique de Lille, a conduit cette présentation.

La SLA est une maladie rare, grave, hétérogène sur le plan du spectre clinique, pronostic, étiologique et qui a des conséquences importantes avec un pronostic de décès à 3 ans qui implique toute une série de questions délicates sur le plan éthique. La prise en charge est elle-aussi complexe, multidisciplinaire, menée dans les centres labellisés de la filière FILSLAN.

Contexte : plusieurs études montrent que la qualité de vie des patients atteints de SLA est corrélée au décès au domicile, à la possibilité d’une planification avancée des soins (directives anticipées) et un accès aux soins palliatifs.

La base de cette démarche est le constat, renforcé au moment de la pandémie de covid-19, que 25 % des patients suivis dans le centre, ici de Lille, ne sont pas revus dans les six mois précédents leur décès. Cette étude a été menée par un groupe multidisciplinaire de juristes, sociologues et une neurologue avec un processus d’interviews semi-directifs qualitatifs autour :

  • du choix de la téléconsultation,
  • la question de la maitrise du cadre de la consultation,
  • l’ambivalence quant à la relation médicale à distance,
  • certaines questions concernant le respect de l’intimité,
  • les enjeux du maillage autour du patient et,
  • enfin une série de questions liées à la fin de vie.

Ce qu’il faut retenir :

  • 1er enjeu : le choix de la téléconsultation. Le critère de choix de la téléconsultation vient de la distance qui sépare le domicile du patient de l’hôpital qui conduit à l’inconfort et l’attente liée au trajet en ambulance. Un des contre-arguments, c’est l’isolement du patient qui ne peut plus interagir à l’hôpital avec d’autres patients (ne pas voir, ne pas être vu, rester avec ses proches). Les patients semblent adhérer à la téléconsultation même s’ils ne la demandent pas spontanément. Par ailleurs, la question de l’équilibre pour garder le contact, éviter la fuite de patient est peu abordée en amont. Ces 2 thèmes devraient être approfondis.
  • 2e enjeu : la maitrise du cadre de consultation avec un série de questionnement sur la transformation même de ce que l’on se représente comme une consultation vu le caractère collectif, le déplacement du locus, du focus de la consultation, de devoir s’interroger sur les nouvelles modalités du lien médical. Les craintes des professionnels s’expriment sur la notion d’être enregistré, filmé, la sécurisation des données, le sentiment d’impossibilité de gérer les urgences. Il est souligné l’importance qu’un accord basé sur la confiance est un préalable. Globalement les temps de discussion avec les patients restent les mêmes et peuvent durer davantage si ce temps a été envisagé de cette manière là.
  • 3e enjeu : ambivalence de la relation médicale à distance. Il n’existe pas de transformation fondamentale de cette relation. Les professionnels soulignent la qualité de la relation avec le patient dans ce cadre et indiquent que cela peut même conduire à être plus attentif avec des patients également plus préparés, plus actifs à l’abord de ce type de consultation. Elle est par ailleurs rassurante, moins stressante, puisque ne nécessite pas de se rendre à l’hôpital. En parallèle, de nombreux retours considèrent la téléconsultation comme un mode dégradé (absence de contact, examen physique) même si la visioconférence permet de voir le patient avec une difficulté de communication notamment dans les phases avancées de la maladie où l’aidant doit prendre le relais.
  • 4e enjeu : l’intimité semble ne pas poser de problème dans la mesure où les professionnels ne se sentent pas intrusifs et les patients qui semblent accepter car leur cadre d’intimité a déjà été modifié depuis longtemps par la maladie, par l’aménagement de leur domicile. Se pose tout de même la question de la présence de tierces personnes (enfants, famille, amis) dans les environs du patient ce qui peut compliquer la téléconsultation.
  • 5e enjeu : la question du maillage autour du patient. Ce sont des équipes importantes lors d’une hospitalisation de jour mais aussi à domicile. Le décentrement, le déplacement de la consultation à domicile doit permettre de mobiliser, gérer ce maillage même en téléconsultation. L’importance d’un relais à domicile comme le médecin généraliste, de l’aidant va croissant au fur et à mesure que la maladie prend de l’ampleur (rôle logistique, de traduction, de compréhension de l’outil). Ainsi la question de l’aidant et l’idée d’un nouveau métier d’accompagnement numérique au domicile se pose car cette charge est lourde et assez genrée.
  • 6e enjeu : les soins palliatifs et la fin de vie. Importance d’avoir une interaction en présentiel avant une téléconsultation à ce sujet, d’avoir des relais à domicile pour pouvoir reposer en présentiel les questions. Par rapport à ce que demande ce processus de délibération, de dialogue autour de la fin de vie, des directives anticipées, la téléconsultation semble être un outil qui peut apporter un plus et compléter les interactions nécessaires autour de cette situation.

Monsieur Marc FOURDRIGNIER, maitre de conférence émérite en sociologie, au Centre d’Etudes et de Recherches sur les Emplois et les Professionnalisations, Université de Reims Champagne-Ardenne a présenté le projet CASEPRA.

Contexte : l’intérêt pour l’aidance s’est développée ces dernières années en terme de politiques publiques mais avec souvent une confusion et une domination forte de l’aidance dans le champ des personnes âgées, de la perte d’autonomie, de la dépendance.

Le projet CASEPRA mené par des sociologues, économistes, les filières de santé AnDDi-Rares, DéfiScience, une équipe relais handicaps rares et l’UNAPEI s’est intéressé aux parents aidants d’enfants de moins de 20 ans en situation de maladies rares et de handicaps rares. Même si ce sont deux champs, deux politiques publiques et deux dispositifs de nature distincte, les personnes suivies par le dispositif handicap rare intégré en France, deux sur trois cumulent une situation de maladie rare et de handicap rare (données GNCHR). Après avoir décrit les prises en charge des enfants en situation de maladie rare et/ou de handicap rare, les deux axes de recherche étaient :

  • de caractériser, analyser et valoriser l’aide informelle apportée par les parents,
  • d’identifier, décrire et analyser les répercussions de l’aide sur les situations d’emplois et de vie des parents aidants.

La méthodologie de l’étude est mixte avec un mélange quantitatif et qualitatif. En première intention se sont déroulés des entretiens exploratoires (une vingtaine) puis une enquête auto-administrée, en ligne, en été ouverte (recueil de 300 réponses), enfin une 3e phase d’entretiens approfondis a pris place notamment sur la répercussion en termes de trajectoires professionnelles.

Les résultats abordent deux points principaux :

  • l’activité des mères aidantes avec les registres d’aide :
    • organisation/activités du quotidien dont la surveillance nocturne habituellement sous-évaluée,
    • les démarches administratives avec en tête la MDPH,
    • la stimulation et l’aide médico-éducative et,
    • le parcours de soin.

Sur les 247 parents répondants, en moyenne plus d’un répondant sur deux consacre plus de 25h / semaine à l’aide à l’enfant (temps requis qui ne diminue pas avec l’âge de l’enfant) avec une confirmation d’une répartition genrée des tâches avec, comme les anthropologues l’ont montré de longue date, une distinction entre l’intérieur (les mères) et l’extérieur (les pères) du foyer. La charge cognitive et les dossiers administratifs sont presque du monopole des mères qui deviennent également, de façon imposée, des coordinatrices de parcours.

  • L’impact de la rareté sur le travail des mères ce n’est pas forcément un abandon de l’emploi mais souvent un passage à temps partiel, une réduction des ambitions notamment pour les mères ayant les qualifications et les emplois les plus élevés. Même quand il existe une prise en charge de l’enfant en structures publiques, elle est souvent partielle (temps d’accueil), plurielle (différents lieux) et ne permet pas de cumuler une activité à temps plein ce qui a des conséquences plus néfastes sur l’emploi des mères (temps partiel, renoncement, reclassement). Par ailleurs, l’engorgement des services publics comme les CAMPS et/ou le report sur l’activité libérale, nécessitent des programmations et d’en supporter les coûts financiers que cela peut représenter. Enfin, il ne faut pas oublier les répercussions en terme de santé : la charge mentale est souvent l’apanage des mères.

Les mécanismes de la solidarité nationale dans ces situations sont mises à mal (engorgement des CAMPS, limite de l’inclusion scolaire, place en structure petite-enfance…) avec une refamiliarisation de cette solidarité qui est même presque exclusivement parentale avec les grands-mères maternelles souvent identifiées car les réseaux – familial, amical – eux ne sont plus très disponibles suite aux raréfactions des relations dans ce cadre.

Rapport final de recherche du projet CASPERA – 2024

Le Dr Christelle DUPREZ, docteur en psychologie, sociologue, Université Lille, CNRS, UMR 9193 – SCALab – Sciences Cognitives et Sciences Affectives, Lille a présenté ce projet de recherche pluridisciplinaire auxquels ont participé des professionnels en psychologie, des cliniciens, une infirmière et un patient partenaire président de l’association de l’angiœdème héréditaire. (AMSAO).

L’angiœdème héréditaire touchent actuellement 1500 patients en France. Cette maladie se caractérise par des gonflements localisés qui peuvent être très invalidants : sur le visage, digestifs avec des sensations de brûlure, au niveau de la gorge avec des risques de décès. Parmi les déclencheurs des crises, sont retrouvées les émotions positives comme négatives. La survenue de ces crises a un impact sur les études, l’activité professionnelle, les relations sociales, avec par conséquent une qualité de vie détériorée. Il existe par ailleurs une forte prévalence des dépressions, de l’anxiété chez les patients bien que ce constat soit à nuancer ces dernières années avec l’arrivée de nouvelles thérapeutiques qui améliorent nettement la qualité de vie des patients bénéficiaires.

Contexte : en permanence, en conscience ou non, tous, nous régulons nos émotions par des mécanismes internes et externes. Dans certains cas, la régulation émotionnelle peut être difficile notamment dans un type de déficit : l’alexithymie – difficulté à identifier, à décrire ses sentiments, à distinguer une sensation corporelle (peur, inconfort, tristesse) et à regarder ce qui est externe. L’origine de ce projet vient de l’impression de différents médecins du CHU de Lille que les patients atteints d’AOH avaient un profil particulier en termes émotionnel, différent d’autres patients atteints de maladies rares. L’étude, qui a débuté en 2019, a donc concerné la régulation émotionnelle chez les patients atteints d’HPO car chez eux les émotions sont à la fois un déclencheur potentiel des crises et la survenue de la crise en elle-même a un impact émotionnel. Était-ce vraiment une dérégulation (alexithymie) au niveau des émotions ou mettre à distance les émotions permet d’éviter la survenue des crises ?

Pour répondre à cette question clinique, le projet a été conduit avec 3 méthodologies différentes :

  • 1re partie : direction d’entretiens pour comprendre l’expérience émotionnelle pour les patients adultes AOH. Les résultats de l’analyse thématique des 20 entretiens montrent que les émotions sont présentes tout au long du parcours de soin dont la réaction au diagnostic qui peut être un choc ou un soulagement, parce qu’enfin, un nom est mis sur les symptômes.
  • 2e partie : quantifier les émotions/la dérégulation émotionnelle et donc voir si les patients étaient bien alexithymiques ou si c’était une impression clinique, voire les liens entre ces 2 notions. Différents questionnaires (symptomatologie anxio-dépressive, qualité de vie, mesure de l’alexithymie, régulation émotionnelle) ont été passés sur 39 patients. Seulement 37 % des patients sont vraiment alexithymiques et il existe une corrélation avec la symptomatologie dépressive et la qualité de vie dégradée. La majorité des patients n’est pas anxieuse.
  • 3e partie : se placer au plan physiologique, sans que les patients aient besoin de verbaliser leur émotions (biais) pour voir s’il existe un décalage entre ce que les patients pensent vivre et ce qu’ils vivent réellement. En situation de stress, grâce à des indicateurs cardiaques et électro-dermos, il est possible de mesurer que le système nerveux autonome s’active avec une hyper-activation du système sympathique et hypo-activation du système parasympathique. Dans l’étude, des bracelets ont été placés chez 13 patients AOH ainsi que chez 13 patients contrôles atteints d’une autre maladie rare impactant la qualité de vie : la thrombopénie. Pour les placer en situation de stress psychologique (ce qui peut être le cas de crise imprévue) une opération mathématique avec un décompte était demandée. Le résultat ne montre aucune différence entre les 2 groupes, ni en fonction du genre, ni du traitement innovant. C’est questionnant.

Ce qu’il faut retenir :

Comme une émotion a par nature plusieurs facettes, la décomposition en 3 méthodologies a permis d’avoir une vision globale (vécu émotionnel et indicateurs objectifs) avec une durée de recrutement qui était quand même assez longue (biais pour la recherche : les nouveaux traitements).

Ce partenariat clinique/recherche a été très riche en termes d’enseignement avec cette approche multidisciplinaires et l’implication du patient partenaire qui ramène à la réalité de l’expérience du patient.

Les perspectives de travail s’ouvrent sur la psychoéducation autour des émotions avec l’idée de réduire l’anxiété, de réduire la dépression, d’aller entraîner les compétences émotionnelles comme dans les programmes en psycho-oncologie.


IA, DATA, E-SANTE au service des maladies rares

Les défis sont toujours majeurs dans les maladies rares car 300 millions de personnes sont concernées à travers le monde, avec des défis en termes d’errance diagnostique, de recherche, de thérapeutiques.

Cette table ronde a permis à différents acteurs de prendre la parole :

  • Dr Ségolène Aymé, généticienne, médicale et épidémiologiste, fondatrice d’Orphanet et directrice de recherche INSERM honoraire. Référente Maladies Rares au Health Data Hub.
  • Dr Pierre Espinoza, expert en télémédecine, chair E-Santé au sein de la FMR
  • Dr Emmanuelle Génin, Inserm, Directrice de l’Institut Thématique Génétique, Génomique et Bioinformatique
  • Dr Anne Sophie Jannot, directrice médicale de la Banque Nationale de Données Maladies Rares
  • Mme Virginie Lasserre, directrice des affaires externes Johnson & Johnson Innovative medicine et co-pilote du cas d’usage IA et Maladies Rares du Comité stratégique de Filière IA & Maladies Rares
  • Pr Lina Williatte, avocate, professeur en Droit de la Santé et de la Responsabilité Médicale – Université Catholique de Lille

Le Dr Ségolène Aymé introduit cette table ronde en présentant 2 structures :

  • Orphanet, qu’elle a fondé et qui a permis tout d’abord d’identifier les maladies puis de les classer en codes « ORPHA« , nomenclature (inventaire codifié, ICD-10 reconnu à l’OMS : 450 maladies rares, la v11 qui doit être implémentée en comporte 4500), indispensables pour le support diagnostique, l’aide au diagnostic, la recherche et le soin.
  • Le Health Data Hub (HDH), qui lui, a une fonction complètement différente car il doit centraliser les données pour la recherche dans le domaine du soin, de la santé. C’est un guichet unique pour aider les chercheurs à résoudre les aspects réglementaires et à utiliser les données. Au catalogue officiel, le HDH dispose de la BNDMR mais aussi 12 autres bases de données et 30 candidats qui souhaite le rejoindre.

Objectifs ? Permettre le chainage, l’interfaçage avec le SDNS de façon automatique, ainsi, toutes les données administratives issues du PMSI et des remboursements de sécurité sociale seront connues ce qui enrichira les données et ouvrira la possibilité de recherche encore impossible à mener tout en réduisant les délais d’un point de vue règlementaire.

Plusieurs outils ont été développés notamment pour aider, accompagner les médecins de ville qui peuvent avoir des difficultés d’interprétation des signes et symptômes et se poser des questions :

  • AccelRare, pour le pré-diagnostic à partir de symptômes banaux, pour 320 maladies rares, qui a été développé par la société Medvir avec le soutien financier de Sanofi dans un exercice de co-construction avec les experts des filières de santé maladies rares. 25 % des usagers consultent les examens complémentaires à faire pour aller plus loin dans le diagnostic et 21 % cliquent sur le lien pour orienter vers un centre de référence maladies rares. Cet outil distribué dans plusieurs pays a vocation à s’enrichir d’autres maladies et pourrait correspondre aux besoins des médecins en cabinet, qui sont les lieux où on peut stagner le diagnostic pendant de nombreuses années. L’idéal serait qu’il soit inclus dans les logiciels des médecins
  • FindZebra, projet danois anglophone, qui fonctionne sur le même modèle que le projet français RDK® (Rare Disease Knowledge) par l’entrée combinée possible de signes cliniques, gènes ou âge d’apparition. Alors que FindZebra parcours différentes sources Internet pour conduire à un résultat, RDK® a comme unique source Orphanet et il permet de trouver de l’information sur les maladies mais également de s’orienter.
  • Plusieurs outils de diagnostics sont en cours de développement à partir d’imageries médicales, fond d’œil, d’histologie et mise en œuvre comme à l’Institut Imagine avec un nouvel outil qui comporte une aide pour 400 maladies rares à partir de photos.

Comme le mentionne le Dr Emmanuelle Génin, les analyses génomiques ont entrainé un changement d’échelle avec l’analyse possible de panels de gènes, de génomes entiers (4 millions de variants à devoir analyser, interpréter), qui permettent d’accéder à de nouveaux variants avec des parties codantes et à de nouveaux diagnostics. Grâce au Plan France Médecine Génomique (PFMG) lancé en 2016, il existe à présent plus de 60 préindications pour les maladies rares avec un taux de diagnostic est de 31 %.

Les perspectives sont de mieux interpréter les données notamment les variants de significations inconnues en intégrant de nouvelles connaissances et de partager les données génomiques à l’échelle européenne dans le cadre du programme « 1+ Million Genomes » qui vise à garantir un accès sécurisé à la génomique et aux données cliniques correspondantes dans toute l’Europe afin de soutenir la recherche de pointe, l’élaboration des politiques de santé et encourager le développement de traitements personnalisés.

Le Dr Anne-Sophie JANNOT a rappelé que la BNDMR collecte des données de chaque patient vu dans un centre expert labellisé par la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS). Le maillage est très serré puisque plus de 2300 centres réalisent les saisies des données patients dont les diagnostics caractérisés finement grâce aux codes ORPHA. Aujourd’hui, la BNDMR recense près de 1,3 millions de patients ce qui en fait la plus grande base mondiale de données maladies rares. Parmi ces patients, 1/3 n’ont pas de diagnostic confirmé, mais est-ce une errance diagnostique faute d’examens complémentaires ? Une recherche génomique dans le cadre de préindication PFMG est-elle possible ? Est-ce une réelle impasse diagnostique (pas de diagnostic malgré le respect de l’état de l’art) ?

Les perspectives seraient de faciliter les saisies qui sont 100 % manuelles afin de diminuer les coûts mais aussi libérer du temps de personnels des centres pour leurs activités de soin, de recherche, de formation. Cela pourrait passer par de l’intelligence artificielle (IA) qui parcourrait les comptes rendus de visite de patient pour préremplir un questionnaire. Cependant ces données sont sensibles, identifiantes et ne peuvent pas partir sur des serveurs à l’étranger, il faut donc pouvoir travailler dans un système fermé et pour le moment, avec les données de santé, en IA, on ne sait pas bien faire. Par contre :

  • travailler sur des données agrégées est possible car les données ne sont plus identifiantes, les aspects règlementaires sont donc simplifiés ;
  • travailler en système clos pour des programmes de recherche, sur des données individuelles, identifiantes, est possible grâce à des bulles sécurisées qui permettent de garantir la confidentialité des données par des personnes extérieures qui voudraient identifier des patients.

Le Dr Pierre Espinoza indique que l’usage de la e-santé traduit une volonté sur le terrain d’utiliser des outils modernes pour rendre service aux professionnels et par la même aux patients. Il revient sur ses 20 ans d’expérience à l’Hôpital Européen Georges Pompidou et les 2000 actes en télémédecine dans 25 spécialités qui ont permis de rendre des avis fiables à distance grâce à qualité de l’image et du son, l’appropriation de l’outil dans une situation de confiance. Depuis quelques années, il existe une tarification raisonnable pour prendre en compte les doubles saisies / problèmes d’interopérabilité, un allègement des contraintes administratives, des outils plus fiables pour autant la diffusion dans les territoires est limitée car les outils sont trop nombreux (250 au moment du Covid). Il conclut son intervention en espérant que la dynamique des maladies rares franchira le pas vers la médecine générale.

Mme Virginie Lasserre a porté la parole d’un collectif, le CSF : comité stratégique de filière pour un projet lancé très récemment qui s’articule autour d’un appel à manifestation d’intérêt devant optimiser l’errance et l’impasse diagnostiques dans les maladies rares.

Le comité stratégique de filière est un espace de dialogue entre les pouvoirs publics et l’industrie de santé. Il a plusieurs thématiques, surtout celle autour de l’IA et de son usage pour permettre une facilité à la fois de la collecte, de l’exploitation et de l’usage des données santé pour le bien commun. Pour ce faire différents cas d’usage ont été mis en place pour adresser cette problématique de l’errance diagnostique dans les maladies rares avec cette volonté extrêmement forte de ne pas dupliquer des actions déjà existantes. Un grand travail est à mener pour identifier, cartographier les initiatives, qu’elles soient au niveau français ou européen, pour s’assurer d’apporter quelque chose de différent, de nouveau et d’utile surtout pour les patients, pour les professionnels de santé et l’ensemble de la population.

Le Pr Lina Williatte, en tant que juriste s’interroge pour savoir si le patient est informé du travail fait sur ses données. Elle n’a aucun doute que ce soit le cas mais si l’information est donnée :

  • est-elle véritablement comprise par le patient ?
  • le patient lui donne-t-elle du sens ?
  • sait-il ce qui est fait après le recueil de ses données ?
  • sait-il que ses données servent à entraîner des systèmes algorithmiques qui demain
    deviendront effectivement des systèmes d’intelligence artificielle ?

Bien que le Juge prévoit un cadre règlementaire (loi relative à la bioéthique de 2021) pour que le patient sache, concrètement, cette information, si elle est donnée, n’est pas tout à fait comprise. Le patient ne lui donne pas le sens que le juriste a voulu lui donner pour une raison essentielle : le seul relais qui puisse effectivement lui permettre de comprendre, c’est le professionnel de santé lui-même, c’est le médecin. Or, lui-même n’est parfois pas informé, en acteur passif et ignorant, au sens juridique du terme, de ce que devient la donnée. Par ailleurs, les médecins ignorent également comment se fabrique l’intelligence artificielle alors qu’ils sont responsables de la donnée du patient car considérés comme responsables de traitement. La multiplicité des éditeurs de logiciels, des sous-traitants, empêche de savoir où sont les données et poussent les acteurs à agir de manière inconsciente.

« Concernant l’IA, l’article L4001-3 du code de la santé publique a su anticiper les choses, puisqu’elle vient dire que lorsque le médecin utilise des dispositifs médicaux qui emportent une intelligence artificielle pour réaliser des actes diagnostiques, de prévention et de soins, le médecin doit en informer le patient d’une part, d’autre part, dire au patient qu’il est en droit de savoir ce qui va être fait finalement du diagnostic, et enfin, le médecin doit interroger l’éditeur du système IA pour savoir sur quel type de données a été entraîné l’IA qu’il va utiliser pour son propre patient. »

Ce cadre opposable depuis 4 ans a été prévu car souvent les IA sont entrainées sur des populations qui ne sont pas européennes alors qu’elles sont utilisées pour faire des diagnostics auprès de la population européenne et cela place en porte-à-faux le médecin qui pense utiliser un système d’IA fiable mais qui en fait ne l’est pas et juridiquement, il en porte la responsabilité. Ainsi, en cas de fuite des données, de mauvais diagnostic, un patient peut se retourner contre le médecin.

Ce cadre réglementaire n’est malheureusement pas intelligible car il existe de nombreuses ressources : RGPD, code de la santé publique, les codes de déontologie et désormais le règlement européen sur l’espace européen des données de santé, le règlement européen sur l’intelligence artificielle.

Les perspectives pour changer la donne serait de faire des médecins comme des patients des acteurs actifs puisque ce sont leurs droits qui sont mis en vulnérabilité. Un certain nombre d’associations souhaitent participer à l’innovation donc c’est une façon innovante, effectivement, de faire des patients, un acteur, de ces données de santé.

Focus Poster

Plusieurs temps d’échanges ont permis de partir à la découverte des nombreux posters affichés dans les couloirs du cloître du campus des Cordeliers.

Dans le périmètre de la filière, nous retiendrons celui de Justine Hamaïde, présidente de l’association MNT mon poumon mon air qui a présenté le parcours patient atteint d’une maladie rare. Encore bravo Justine pour votre enthousiasme et cette volonté de partager !