La filière RespiFIL était présente lors du colloque en sciences humaines et sociales (SHS) « Vivre avec une maladie rare, les défis de la prise d’autonomie », organisé par la Fondation IRCEM et qui s’est tenu la matinée du 30 janvier 2020 à Paris.
L’événement s’est déroulé autour de deux grandes thématiques :
- La transition de la pédiatrie à la médecine adulte
- Le coût des maladies rares (MR)
Lors de l’ouverture du colloque, Jean-Charles Grollemung (Directeur général de la Fondation d’entreprise IRCEM) a fait une présentation de la Fondation, a évoqué les valeurs du groupe (ambition, performance, respect et solidarité, dans une démarche entrepreneuriale et humaniste) et sa raison d’être : « optimiser l’espérance de vie sans incapacité de ses publics, vivre le mieux possible, le plus longtemps possible et à domicile ».
Nathalie Coulon (Présidente de la Fondation d’entreprise IRCEM) est ensuite intervenue sur les raisons de soutenir la recherche en SHS et a indiqué les quatre champs déclinables aux Maladies Rares :
- Les risques individuels et collectifs,
- Les handicaps et la restriction d’activité et de participation sociale au cours de la vie,
- L’innovation et le développement des biotechnologies,
- L’organisation et l’évolution du système de santé et de la sphère médico-sociale
Enfin, Daniel Scherman (Directeur de la Fondation Maladies Rares) a rappelé les chiffres clés concernant ces maladies : environ 7000 maladies rares répertoriées et 3 millions d’individus atteints en France. Cependant, le nombre d’individus réellement touchés par les maladies rares est sous-estimé, car il faudrait ajouter à cela l’entourage (famille proche, aidants) des malades qui est aussi concerné, même indirectement.
« La transition de la pédiatrie à la médecine adulte »
Le témoignage d’une patiente experte
Cette première thématique a débuté par le témoignage de Manon Picchi (Référente adolescents-jeunes de l’association POIC (syndrome de pseudo-obstruction intestinale chronique), elle-même atteinte de ce syndrome et invitée en tant que patiente-experte à ce colloque.
Manon a partagé son expérience de patiente atteinte d’une maladie rare, les nombreuses interventions chirurgicales subies depuis l’enfance, le développement de son esprit critique en collaborant avec les équipes médicales, sa volonté de gagner en autonomie en rejoignant un protocole d’auto-soins à sa majorité, mais aussi ses craintes lors de la période de transition. Elle a validé un diplôme universitaire (DU) en démocratie de la santé pour représenter les usagers, est convaincue que « le patient développe une connaissance fine de sa maladie et qu’il peut ainsi devenir une personne ressource pour les autres », et souhaiterait une meilleure reconnaissance des « patients experts ».
Focus sur une étude portant sur 3 pathologies
Laura Silvestri (Docteur en anthropologie sociale et ethnologie) et Florence Roy Baconnet (Directrice du Réseau de santé maladies rares) sont ensuite intervenues sur le fait de devenir adulte avec une anomalie du développement. Une étude portant sur trois pathologies génétiques (la trisomie 21, la délétion 22q11 et le syndrome de Williams et Beuren) a été présentée, avec un focus sur les obstacles et les facilitateurs récurrents dans l’accès à une vie adulte satisfaisante, avec deux axes de préoccupation :
- La place du patient après la période scolaire
- Le type de lieu de vie envisagé à l’âge adulte
D’après cette étude, les parents souhaitent davantage que leur enfant soit dans une école ordinaire ou travaille dans un environnement ordinaire. Le malade peut ne pas avoir accès à un milieu protégé (ESAT, établissement et service d’aide par le travail), ce qui peut engendrer un sentiment de culpabilité du fait de ne pas pouvoir travailler. La capacité à payer un loyer est aussi une priorité d’après l’étude. Les lieux de vie des malades sont souvent mixtes, alternant entre un habitat en milieu ordinaire et en milieu protégé. Même si l’internat ou le foyer peut représenter une première étape vers la dé-cohabitation d’avec les parents, quitter le foyer familial peut être perçu difficilement (abandon, rejet) par certaines familles.
Présentation du Réseau Maladies Rares Méditerranée
Les principales actions du Réseau Maladies Rares Méditerranée basé à Montpellier ont aussi été présentées :
- Faciliter une coordination des partenaires de santé et des familles,
- Faire le lien entre l’hôpital et la médecine de ville,
- Permettre au jeune patient de préparer son projet professionnel et de s’informer sur le thème de la vie affective,
- Intervenir dans les situations à risque de rupture d’accompagnement,
- Proposer des formations/sensibilisation destinées aux professionnels (équipes pédagogiques, médico-sociales…) et au public.
Plateforme de transition : comprendre les attentes des parents
Finalement, Agnès Dumas (Sociologue, Docteur en philosophie et Chargée de recherche à l’INSERM), Hélène Mellerio (Pédiatre et Médecin de l’adolescent, Docteur en philosophie et Docteur en médecine), et Nadine Pezières (Membre du CA de l’association KOURIR, Cadre de santé formateur en soins infirmiers) sont intervenues sur le sujet suivant : « Plateforme de transition : comprendre les attentes des parents des jeunes porteurs de maladies rares».
En France, 3-15% des patients atteints de maladie chronique sont des enfants, et 3% de ces maladies sont des maladies rares. L’adolescence représente donc une double transition : passage de l’enfance à l’âge adulte, et passage d’un service pédiatrique à un service pour adultes, avec un risque de rupture du suivi médical, de complications et de surmortalité lors du passage à l’âge adulte. Des outils ont été mis en place autour de cette thématique, comme le site internet inter-filières de santé Transition. Deux plateformes de transition existent en région parisienne, « La Suite » (créée en 2016) et « Ad’Venir » (créée en 2017), visant à accompagner les jeunes (ateliers individuels et en groupe, consultations de pré-transition), les professionnels de santé, et les parents (consultations psychologiques, groupes de parole).
La transition est davantage un enjeu pour les parents que pour le jeune malade. D’après l’étude, l’adressage (pas de lettre d’accompagnement, coordonnées du service adulte manquantes) et la charge administrative (lourdeur des démarches auprès de la Maison Départementale des Personnes handicapées (MDPH)) sont des difficultés souvent rencontrées par les parents pendant la période de transition. Ceux-ci se sentent parfois impuissants ou coupables face à la maladie de leur enfant, et craignent de ne plus pouvoir l’accompagner en consultation. Il faudraitcommuniquer davantage auprès des professionnels de santé sur le droit des parents, et après des parents, sur le droit des jeunes à avoir ses parents ou non en consultation (loi sur le droit des malades).
Le coût des maladies rares
La deuxième thématique du colloque « Améliorer le parcours de vie des malades et de leurs proches : le coût de maladies rares » a permis de faire le point sur les premiers résultats d’une étude visant à évaluer l’impact économique et social de pathologies rares, présentée par Bruno Detournay (Médecin économiste, Directeur de CEMKA), Anne Duburcq (Epidémiologiste, Directrice de l’étude à CEMKA), et Nadia Bahi-Buisson (Coordinatrice du centre de référence des déficiences intellectuelles de causes rares de Necker).
L’étude porte sur la consommation médicale et médico-sociale dans le syndrome de Rett et s’est basée sur les données du SNDS (Système National de Données de Santé) pour l’année 2017. Les résultats montrent qu’il y a une grande variabilité entre les malades. Mais de manière générale, en terme de consommation, par rapport à la population témoin, la population malade recourt :
- Davantage aux soins hospitaliers (63% vs 20%), à la kinésithérapie (37% vs 9%), aux soins infirmiers (35% vs 17%), pédiatriques (10% vs 5%) et neurologiques (5% vs 1%)
- De la même manière aux soins généralistes (46% vs 47%), de pneumologie (2% vs 1%) ou d’un autre spécialiste de ville (43% vs 41%)
- Moins aux soins en ophtalmologie (15% vs 21%) et ORL (3% vs 5%)
En terme de coûts, par rapport à la population témoin, la population malade dépense plus en :
- Hospitalisation (5 394,30 € vs 235,20 €)
- Consommation de matériel médical (4 335,70 € vs 96,90 €)
- Transports (1 025,50 € vs 10,70 €)
- Recours à des auxiliaires médicaux (912,40 € vs 64,70 €)
- Pharmacie et produits dérivés (914,70 € vs 106,50 €)
L’hospitalisation, le matériel médical, les transports, le recours à des auxiliaires médicaux et la pharmacie et produits dérivés représentent respectivement 41,8%, 34,3%, 8,2%, 6,9% et 6,5% des dépenses de santé directement liées à la maladie.
Globalement, les dépenses de santé diminuent avec l’âge des patients, sauf pour les soins de suite et de réadaptation (SSR).
Enfin, Grégoire Mercier (Docteur en philosophie, Médecin de santé publique, Praticien hospitalier) a présenté l’étude LymphoRAC portant sur le reste à charge (RAC) pour les patients souffrant de lymphœdème primaire en France.
Le traitement du patient atteint de lymphœdème est la compression à vie. Les dispositifs, les transports et autres consommations (vêtements, aide, crèmes, cosmétiques) représentant respectivement la part plus importante des dépenses de santé (32%, 28% et 26%, respectivement), comparés aux cures (7%), soins paramédicaux (5%), consultations (1%) et pharmacie (1%). Le prix de vente de certains dispositifs médicaux est libre.
Le RAC dépend du quintile (Q) du revenu du foyer. De manière générale, le RAC est plus important pour les foyers appartenant aux quintiles les plus faibles. Ainsi, d’après l’étude, deux foyers appartenant au Q1 (revenu Q1 de 11 313 €) et Q5 (revenu Q5 de 40 816 €) ont un RAC après remboursement par la mutuelle de 1 192 € et 1 538 €, respectivement, soit un ratio RAC Q/revenu Q respectif de 0,105 et 0,038. Le renoncement aux soins est un risque d’un RAC trop élevé.
Cette matinée riche en échanges et en partage a permis de sensibiliser les acteurs à la transition enfant-adulte et au coût des maladies rares en France.