Crise sanitaire oblige, la 12éme journée annuelle du Centre de référence des maladies respiratoires rares de l’enfant et l’adulte (RespiRare) a dû se réinventer en événement 100% virtuel. Plus de 100 personnes dont des représentants associatifs ont répondu présents à cette journée qui s’est tenue dans l’après-midi du 18 janvier 2021 afin d’échanger autour d’un programme centré sur les actions phares du plan national maladies rares (PNMR 3).
Au programme des 5 groupes de travail RespiRare : l’état d’avancement des programmes nationaux de diagnostic et de soin (PNDS) en cours de rédaction, l’intérêt des réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) dans le diagnostic et la prise en charge des cas complexes, les actualités scientifiques phares de l’année écoulée et les projets de recherche futurs, et enfin l’élaboration des arbres décisionnels de diagnostic dans le cadre de l’action 1.7 de l’errance et l’impasse diagnostiques.
que face à la crise sanitaire, le Ministère des Solidarités et de la Santé a repoussé la publication des PNDS à juillet 2021.
Le Pr Christophe Delacourt (Hôpital Necker-Enfants malades, AP-HP) a fait le point sur le projet MALFPULM dont l’objectif est l’identification prospective des facteurs prédictifs de détresse respiratoire néonatale chez les enfants avec diagnostic prénatal d’une malformation pulmonaire congénitale. « Il ressort de cette étude, deux résultats importants : 1. le risque de détresse respiratoire néonatale est bien sûr lié aux naissances prématurées. 2. le CVR (Congenital pulmonary malformation Volume Ratio) est un facteur déterminant (et de façon indépendante des autres déterminants de la malformation pulmonaire : kystique, mixte, présence de vascularisation systémique, localisation, etc.) dans la survenue de la détresse respiratoire néonatale. Un CVR inférieur à 0,4 quel que soit le moment de grossesse prédit une absence de sur-risque de détresse respiratoire néonatale. Les résultats de cette étude sont en cours de soumission/révision dans l’European Respiratory Journal » souligne le spécialiste. D’autres analyses sur les données de cette cohorte sont toujours en cours et une continuité ambitieuse de ce projet (MALFPULM2) est également attendue.
Par ailleurs, le PNDS en cours de rédaction par un groupe multidisciplinaire (pédiatres, chirurgiens pédiatres, anatomopathologiste, radiologues, obstétriciens, etc.) concerne les malformations pulmonaires localisées (malformations adénomatoïdes kystiques pulmonaires (MAKP), séquestration pulmonaire, atrésie bronchique, kystes bronchogéniques, etc.).
Le Dr Frédéric Hameury (Hospices Civils de Lyon, HCL), coordonnateur de la RCP ADP est intervenu sur le sujet, en rappelant son organisation, son déroulement et les membres référents. Plusieurs thèmes sont discutés (agénésies, hypoplasie, pathologies de la trachée et des bronches, etc.) avec des avis diagnostics ou thérapeutiques en anténatal ou post-natal. Pour les avis urgents (à travers des mails anonymisés), il est possible de faire appel au « Comité Thorax », qui apportera des réponses sous 24 heures.
Le Pr Jean-Christophe Dubus (Hôpital de la Timone, AP-HM) et le Dr Véronique Houdouin (Hôpital Robert Debré, AP-HP) ont présenté l’actualité scientifique sur la dilation de bronches (ou bronchectasie) de l’enfant et sur le syndrome de bronchiolite oblitérante (rôle de l’inflammation neutrophilique), respectivement. De surcroît, le Dr Véronique Houdouin a dévoilé le schéma de l’étude RESPPEDOBS (Programme Hospitalier de Recherche Clinique National, PHRC) dont les inclusions débutent en mars 2021 à l’hôpital Robert Debré (AP-HP), puis dans les autres centres. L’objectif de cette étude est d’évaluer l’efficacité de l’association du FluticasoneSalméterol (SERETIDE®) versus Placebo chez les enfants de 6 ans ou plus, allogreffés de moelle présentant un déclin du VEMS de 10% ou plus par rapport à la greffe. Pour les enfants de 6 à 11 ans (<12 ans), ils recevront SERETIDE® 50, deux bouffées deux fois par jour avec la chambre d’inhalation, à partir de la randomisation pendant 6 mois. Pour les enfants de 12 à 17 ans (> ou = 12 ans), ils recevront SERETIDE® 125, deux bouffées 2 fois par jour avec la chambre d’inhalation, à partir de la randomisation pendant 6 mois.
Sous l’égide du Pr Ralph Epaud (Hôpital Intercommunal de Créteil), le PNDS sur la dilation des bronches de l’enfant (hors mucoviscidose et dyskinésie ciliaire primitive, DCP) est en cours de rédaction par un groupe de pédiatres et chirurgiens pédiatres. « Devant la définition complexe et les nombreuses étiologies (notamment immunitaire, post-infectieuse, idiopathique, etc.) à la dilation des bronches de l’enfant, il était essentiel de mettre en place un PNDS et de proposer un algorithme diagnostique et thérapeutique (hors mucoviscidose et DCP) pour cette pathologie » indique l’expert.
Enfin, un arbre décisionnel de diagnostic pour la dilatation des bronches de l’enfant a été proposé par le Pr Jean-Christophe Dubus, en s’appuyant sur les travaux de Chang A, et al. Lancet (2018) et Beckeringh NI et al. Pediatr Allergy Immunol Pulmonol (2019). Une proposition qui devra être validée par le groupe de travail BronchiRare.
Cette session a débuté par la présentation de Pauline Bourgeois (neuropsychologue à l’Hôpital Robert Debré, AP-HP) sur la neurocognition de la cohorte Ondine. L’étude récemment réalisée par le CRMR a démontré que le syndrome d’hypoventilation central congénital (syndrome d’Ondine) chez les enfants augmente le risque de déficience neurocognitive en affectant notamment la mémoire de travail et la vitesse de traitement. Les résultats suggèrent également que la génétique et la méthode de ventilation (masque ou trachéotomie) pourraient également être impliquées dans la physiopathologie des troubles neurocognitifs. « Il est important de réaliser un suivi neuropsychologique régulier chez les enfants atteints du syndrome d’Ondine afin de planifier des programmes de rééducation, d’adapter l’intégration scolaire et d’améliorer la qualité de vie. Une étude multicentrique avec des cohortes plus larges sont nécessaires, notamment pour investiguer d’autres domaines telles que l’attention, les fonctions exécutives, etc. » précise la neuropsychologue.
Le Dr Ha Trang (Hôpital Robert Debré, AP-HP) a rappelé la mise en place de la RCP anomalies du contrôle respiratoire et insuffisances respiratoires chroniques (1 fois/par trimestre), coordonnée par le Dr Jessica Taytard (Hôpital Armand Trousseau, AP-HP). Elle a également proposé un algorithme décisionnel de diagnostic pour le syndrome d’Ondine publié dans les guidelines, qui sera adapté pour l’action 1.7 de l’errance et l’impasse diagnostiques.
Le Dr Marie Legendre (Hôpital Armand Trousseau, AP-HP) a exposé les nouveautés dans la génétique des DCP, notamment les 4 gènes récemment identifiés. « Aujourd’hui, il y a 48 gènes impliqués dans les DCP affectant divers aspects de la structure et de la fonction des cils mobiles. FOXJ1 est le premier gène qui vient d’être impliqué dans une transmission dominante alors que les DCP sont majoritairement de transmission récessive (seuls trois gènes sont situés sur le chromosome X). NEK10 est la première kinase également impliqué dans les DCP ; il joue un rôle dans la régulation de la longueur des cils. Des mutations causant les DCP ont également été rapportées dans GAS2L2, une protéine spécifique de la cellule ciliée localisée dans les corps basaux, les pieds de ces corps basaux et les rootlets. Les patients porteurs de cette mutation ont une structure ciliaire normale mais un battement ciliaire asynchrone, lié à des anomalies de l’orientation ciliaire. Enfin, les mutations du gène TTC12 ont également été impliquées dans les DCP en dévoilant des mécanismes d’assemblage de dynein distincts dans les cils mobiles respiratoires par rapport aux flagelles » indique la spécialiste.
Le Pr Bernard Maitre (Hôpital Intercommunal de Créteil) a cité les travaux de Chalmers et al. portant sur l’efficacité et la tolérance du brensocatib (inhibiteur de la dipeptidyl peptidase 1, DDP1) contre la dilatation des bronches. Les résultats de cette étude WILLOW sont détaillés dans notre article. Il a également présenté l’état d’avancement des projets européens (COST-action, ERS clinical research collaboration, ERN Lung) mis en place pour les DCP.
Enfin, le Dr Guillaume Thouvenin (Hôpital Armand Trousseau, AP-HP) a présenté l’arbre décisionnel de diagnostic des DCP élaboré par le groupe de travail DCP RespiRare en prenant en compte notamment les réalités du terrain et l’impact de la Covid-19 dans la réalisation des examens biologiques.
Dans ce groupe de travail, le Dr Céline Delestrain (Hôpital Intercommunal de Créteil) a présenté le projet ChildMelody, une solution de télé-échographie robotisée et son intérêt dans le suivi pulmonaire des patients fragiles (à distance). Le Dr Nadia Nathan (Hôpital Armand Trousseau, AP-HP) et le Pr Alice Hadchouel- Duvergé (Hôpital Necker-Enfants malades, AP-HP) ont par ailleurs, développé leurs projets de recherche sur l’exposome et sarcoïdose pédiatrique et sur les protéinoses MARS et methionine, respectivement. Comme dans les autres groupes de travail, un arbre décisionnel de diagnostic a été proposé par le Dr Nadia Nathan en collaboration avec le groupe de travail de PID pédiatrique et adulte en identifiant les niveaux d’errance et d’impasse diagnostiques.
Le Pr Annick Clement, coordonnatrice du centre de référence des maladies respiratoires rares (RespiRare) a conclu cette journée en remerciant tous les acteurs RespiRare remarquablement mobilisés depuis des années dans les actions du PNMR.