La seconde édition du congrès de l’Alliance Maladies Rares s’est tenue en visioconférence du 4 au 11 juin dernier et a réuni plus de 350 participants.
Une deuxième édition riche en échange
De nombreux ateliers thématiques se sont succédées lors de cette deuxième édition, avec pour objectif de construire avec les associations de malades, les futures politiques publiques autour des maladies rares. Ces ateliers ont réuni de nombreux acteurs essentiels dans la prise en charge des maladies rares, tels que le Ministère des solidarités et de la santé, les filières de santé maladies rares, la Haute Autorité de Santé (HAS), les acteurs associatifs.
Plusieurs thèmes ont ainsi pu être abordés parmi lesquels le diagnostic (observatoire du diagnostic, etc.), le traitement (observatoire des traitements, accès aux médicaments, etc.), et le parcours de vie (éducation thérapeutique du patient, protocole national du diagnostic et de soins, situations d’urgences, etc.).
Cette année, les filières de santé maladies rares étaient invitées à soumettre des posters destinés à valoriser la participation et la contribution associative à leurs projets en vue d’identifier et faire connaître les pratiques vertueuses auprès de l’ensemble de la communauté associative.
Ainsi, RespiFIL en collaboration avec les associations ADCP, APEFPI et HTaPFrance ont présenté un poster sur le livret « les tests génétiques, guide pratique », que vous pouvez retrouver ici.
Focus sur l’atelier “Observatoire du traitement”
L’un des ateliers était consacré à l’observatoire du traitement et a fait intervenir plusieurs experts pour échanger autour des enjeux et des attentes pour cette action.
La promotion de l’accès au traitement, un axe stratégique du 3ème Plan National Maladies Rares (PNMR)
Le Pr Eric Hachulla (coordonnateur de la filière FAI²R, CHU Lille), travaille sur la mise en œuvre de l’observatoire de traitement et a rappelé le cadre institutionnel de cette mesure. L’axe 3 du 3ème PNMR comporte plusieurs objectifs complémentaires :
- Renforcer la connaissance en vie réelle des médicaments autorisés dans le traitement des maladies rares
- Disposer d’un état des lieux des thérapeutiques dans le traitement des maladies rares, de techniques médicales afin d’être en capacité de détecter de nouvelles molécules d’intérêt, des molécules à repositionner et d’identifier les preuves de concept intéressant
- Régulariser les pratiques de prescriptions hors AMM (Autorisation de mise sur le marché), car elles ne sont pas réglementées, et l’on observe parfois des mésusages. Il s’agit donc de proposer des recommandations temporaires d’utilisation (RTU, nouvellement prescription compassionnelle encadrée), pour encadrer l’usage de ces traitements hors AMM
Ainsi, chaque filière de santé maladies rares est amenée à créer son observatoire de traitement hors AMM.
Le point de vue des professionnels de santé
Les attentes des professionnels de santé sont nombreuses. Cette action doit permettre le recueil d’informations en vie réelle, notamment des données d’efficacité et de tolérance et de reconnaître l’intérêt d’un médicament dans une indication maladie rare n’ayant pas de traitement autorisé. Par ailleurs, cette action pourrait faciliter l’usage d’un médicament hors AMM via une validation lors d’une RCP, et l’obtention d’une RTU, ou d’une prescription compassionnelle encadrée. Enfin, et dans le but d’augmenter l’usage de ces traitements, les professionnels de santé espèrent que cette action va permettre le remboursement d’un médicament utilisé hors AMM et l’obtention d’une AMM sur la base des données d’efficacité et de tolérance. « La finalité, est d’avoir un accès facilité aux traitements pour les patients atteints de maladies rares » conclut Pr Hachulla.
Des missions multiples et un lieu d’échange privilégié
Christophe Duguet, directeur des Affaires Publiques à l’AFM Téléthon a ensuite poursuit, en précisant que la circulaire ministérielle devant préciser les modalités n’a pas encore été publiée, ce qui a entraîné un retard pour le démarrage de l’action.
Dans l’attente de sa publication, les sujets sont nombreux et concernent tous les traitements : « le focus sur l’hors AMM ne doit être qu’une partie de l’observatoire du traitement ». En effet, les traitements déjà existants concentrent également beaucoup d’intérêt avec la multiplication des difficultés et des ruptures d’approvisionnement ces dernières années. C’est un sujet important pour les patients. Concernant les nouveaux traitements, il est impératif de pouvoir en faire bénéficier les patients le plus précocement possible.
Il est également important de se concentrer sur la sûreté et l’efficacité de ces traitements, ainsi que de viser un accès aux traitements remboursés sur l’ensemble du territoire.
L’observatoire sera un lieu d’échange, de concertation, de centralisation de l’information, de mutualisation et de construction de consensus sur les sujets relatifs au médicaments, aux dispositifs médicaux ainsi qu’aux pratiques non médicamenteuses. Ces observatoires doivent associer des représentants, des acteurs de la prescription, de la dispensation et de l’administration des traitements, ainsi que des représentants des associations de patients et des acteurs de la recherche clinique de la filière. C’est un lieu d’échange privilégié, où tous les acteurs peuvent partager leurs savoirs. Christophe Duguet souligne que « Les associations ont un rôle majeur, il est important qu’elles se mobilisent et jouent le rôle de partie prenante ».
Des attentes fortes des associations de patients
La mise en œuvre de cet observatoire est un enjeu important pour les malades très fortement concernés et les attentes des associations sont fortes. Jean-Philippe Plançon, président de l’ Association Française contre les Neuropathies Périphériques (AFNP) et Jacques Walch, président de l’ Association Pemphigus Pemphigoïde France (APPF) sont intervenus pour rappeler les attentes des malades :
Selon M. Plançon, les attentes des associations rejoignent celles des professionnels de santé et de l’AFM-Téléthon, et insiste sur l’attention portée à l’approvisionnement des traitements. « Les pénuries sont fréquentes et ont des conséquences très importantes sur la santé et la vie des patients. En étant en première ligne, ils peuvent apporter leurs « savoirs expérientiels » et sont amenés à travailler avec les filières et l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) ».
Point sur l’atelier vers une nouvelle génération de protocoles nationaux de diagnostic et de soins (PNDS)
Les PNDS sont des documents qui synthétisent les recommandations nationales de prise en charge des maladies rares. Leur objectif est d’informer les professionnels de santé sur le diagnostic, les traitements de référence et le suivi de ces maladies. Les PNDS ont également pour but d’harmoniser les parcours de santé des malades sur tout le territoire français, en métropole et en Outre-mer. Ils sont produits par les centres de référence (CRMR), en lien avec les filières de santé maladies rares qui les coordonnent.
Leurs freins et leviers
Le Pr Christophe Verny (coordonnateur de la filière BRAIN-TEAM, CHU Angers) a rappelé que la rédaction de ces textes de recommandations est une priorité du plan national Maladies Rares et que de nombreux PNDS sont en cours de rédaction/réactualisation suite à deux appels à projets publiés par la direction générale de l’offre de soins (DGOS) en 2019 et 2020 pour leur financement.
Selon l’expert, les forces des PNDS :
- Référentiels de prise en charge médicale et font foi devant les agences régionales de santé
- Participation des associations de patients dans la relecture
- Présence d’un volet médico-sociale pour les PNDS de la filière BRAIN-TEAM (adapté pour chaque maladie)
Parmi les faiblesses, le faible recours des PNDS de la part des professionnels de santé, y compris par les médecins généralistes malgré la page dédiée (au médecin traitant) et le nombre important de maladies rares.
Autres formats ?
Le Pr David Geneviève (coordonnateur du centre de référence des anomalies du développement et syndromes malformatifs, filière AnDDi-Rares, CHU de Montpellier) présente deux outils digitaux dynamiques et facile d’accès et d’utilisation sur lesquels les PNDS peuvent être adaptés.
Selon, le Dr Thibault Caylus, médecin généraliste depuis plus de 30 ans, le numérique a fait beaucoup changer les pratiques. Aujourd’hui, il existe de nombreux outils en médecine générale pour affiner les diagnostics. « Le portail Orphanet est assez connu des médecins généralistes, alors que les PNDS, le sont beaucoup moins » révèle le spécialiste. Il propose de continuer de développer des outils rapides de diagnostic et de conduite à tenir face aux maladies rares telles que les applications (sur téléphone ou tablette) de recherche par mots clés et les faire connaître à tous les intervenants (infirmiers, auxiliaires de sante, orthophonistes, kinésithérapeutes, etc.).
Le volet médico-social
Mme Denise Desormeaux (directrice de la MDPH, Martinique), insiste sur le volet médico-social qu’il faudra accroître dans le PNDS. « Pour répondre aux besoins des usagers, le plus important pour nous, MDPH, est de comprendre les conséquences de la maladie sur la vie au quotidien ».
Mme Angélique Sauvestre, directrice de l’association Debra France qui regroupe les personnes atteintes d’épidermolyse bulleuse, souligne qu’il faut simplifier les démarches de mise à jour des PNDS, de mener une enquête nationale de son utilisation auprès des médecins traitants afin d’identifier le support le plus adapté et utile pour les médecins généralistes et d’investir dans le processus de diffusion de ces PNDS.