La plateforme d’expertise maladies rares de Bourgogne Franche-Comté (PEMR BFC) organisait, en visioconférence, le mardi 16 novembre 2021 dernier son premier rendez-vous de rencontre associations/chercheurs porté par le centre de référence constitutif des maladies pulmonaires rares de l’adulte de Dijon pour les associations ABIR (qui regroupe les insuffisants respiratoires de Bourgogne) et APEFPI (Association Pierre ENJALRAN Fibrose Pulmonaire Idiopathique).
De nombreux participants ont pu suivre ce premier rendez-vous de rencontre associations/chercheurs spécial maladies pulmonaires rares. Le Pr Philippe Bonniaud, coordonnateur du centre de référence constitutif des maladies pulmonaires rares a introduit cette session, rappelant que la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) est une maladie rare (20 personnes sur 100 000 habitants), touchant uniquement le poumon et dont la cause est inconnue (d’où le terme idiopathique).
Deux médicaments spécifiques (pirfénidone – Esbriet et nintédanib – Ofev) sont utilisés à ce jour, permettant de ralentir l’aggravation de la fibrose. Même si des progrès ont été accomplis pour améliorer le confort des patients, il n’existe pas actuellement de traitement capable de stopper la progression de la maladie. Aujourd’hui, les chercheurs continuent d’explorer des traitements plus efficaces et un remède à la maladie.
Équipe, lieu et financement de la recherche
Dans le service de pneumologie et soins intensifs respiratoires du CHU de Dijon, labélisé centre de référence constitutif des maladies pulmonaires rares, dirigé par le Pr Philippe Bonniaud, une équipe multidisciplinaire composée de pneumologues, d’internes, d’infirmières, de psychologue, de diététicienne, d’attaché de recherche clinique, d’enseignant APA, etc. est impliquée dans la prise en charge des maladies pulmonaires rares de l’adulte.
Le centre de référence constitutif mène également une activité de recherche transversale développée dans l’unité de l’institut national de la santé et de la recherche médicale – Inserm U1231 notamment sur les fibroses pulmonaires.
Dans sa présentation, l’expert précise que les activités de recherche sont financées principalement par l’agence nationale de la recherche (ANR), les programmes européens (eurIPFnet, eurILDreg), le projet ISITE (Initiatives Science Innovation Territoire Economie en Bourgogne-Franche-Comté), les fondations (Fondation maladies rares, Fondation du Souffle), ou les dons, etc.
Dans sa présentation, Olivier Burgy, enseignant-chercheur au sein de de l’Université Bourgogne Franche-Comté – Inserm U1231 (Équipe « Protéines de choc thermique : mort cellulaire, différenciation cellulaire et propriétés tumorigéniques (HSP-pathies) ») revient sur le mécanisme clé de la fibrose pulmonaire qui se résume par une communication anormale entre les cellules du poumon aboutissant à l’activation des fibroblastes en myofibroblastes à l’origine d’un excès de production de matrice extracellulaire et de collagène. « Dans notre laboratoire, nous cherchons à comprendre comment les cellules pulmonaires communiquent entre elles ? » précise le chercheur.
Les vésicules extracellulaires (VEC) ou exosomes sont des petites gouttelettes lipidiques (de l’ordre du nanomètre) sécrétées par toutes les cellules de l’organisme et que l’on retrouve donc dans l’ensemble des fluides biologiques (sang, urine, salive, sperme). Elles sont considérées comme des médiateurs de la communication d’une cellule à une autre. On leur a attribué un rôle dans un certain nombre de maladies, comme le cancer, et sont de plus en plus étudiées dans les maladies respiratoires. Chez les patients FPI, il a été montré une accumulation des exosomes dans les liquides de lavage broncho-alvéolaire (LBA). Ce résultat a été confirmé chez des modèles de souris, chez lesquels, a été injectée, la bléomycine : un médicament anti-cancéreux induisant une fibrose pulmonaire. Chez ces derniers, une augmentation du nombre des exosomes dans le LBA a été observée, qui était associée à une mauvaise fonction pulmonaire. Cette preuve de concept a ouvert le champ à trois axes de recherche :
- Identifier des cibles portées par les exosomes : les recherches menées ont permis d’identifier les lipides associés aux exosomes dans la fibrose pulmonaire.
- Etudier comment les exosomes favorisent la fibrose pulmonaire : il a été montré que les exosomes augmentent l’expression des gènes de fibrose.
- Développer des inhibiteurs de cibles identifiées.
« Ainsi, nous avons identifié des cibles c’est-à-dire les lipides portés par les exosomes précisément durant la fibrose pulmonaire et avons une meilleure compréhension du rôle et de la fonction des exosomes dans la fibrose. Notre prochaine étape est de développer des inhibiteurs de cibles (lipides) identifiées » conclut le chercheur.
Olivier Burgy présente le deuxième axe de recherche mené au sein de l’équipe HSP-pathies – Inserm U1231, qui porte sur le rôle des protéines de choc (heat shock proteins ou HSPs) dans la fibrose pulmonaire idiopathique.
Ces protéines sont retrouvées dans toutes les cellules, dont le rôle est de les protéger des effets du stress (par exemple, lors d’une infection bactérienne ou virale, un stress thermique, etc.). Il en existe plusieurs, classées selon leur poids moléculaire : HSP27, HSP45, HSP90, etc. Lorsqu’elles sont présentes en trop grande quantité, ces protéines de choc peuvent être délétères et favoriser des maladies comme le cancer, ou la fibrose pulmonaire. En effet, il a été observé une forte augmentation de l’expression des HSPs au niveau pulmonaire : HSPB1, HSPB5, HSP90.
Le transforming growth factor-β1 (TGF-β1) est une cytokine clé du processus de transformation cellulaire impliqué dans la fibrose pulmonaire. En effet, il stimule la synthèse et l’accumulation de collagène dans les poumons.
Plusieurs protéines de choc favorisent les effets du TGF-β1. « En utilisant un modèle de souris de fibrose pulmonaire, nous avons montré que l’absence d’expression de HSPB5 permet de limiter le développement de la fibrose dans le modèle animal » rapporte le chercheur.
Ainsi, un grand nombre de molécules a été testé pour inhiber l’activité de HSBP5. « Nous avons sélectionné l’inhibiteur HSPB5i, qui a permis de réduire les lésions de fibrose ainsi que le taux de collagène chez la souris malade. Sur les modèles de cellules en culture (des fibroblastes), cet inhibiteur a également réduit l’expression des effets du TGF-β1. Ces résultats ont été confirmés sur des modèles plus complexes (des coupes de poumon de souris avec fiborose pulmonaire) où il a été observé une diminution de l’accumulation de collagène.
Une collaboration est actuellement menée avec Mélanie Königshoff (université de Pittsburgh, USA) afin de tester cet inhibiteur sur des modèles de tissus pulmonaires dérivés de patients atteints de fibrose pulmonaire ».
« Cet inhibiteur fait l’objet d’un dépôt de brevet dont le résultat est attendu pour 2022 » conclut le chercheur.
L’imagerie nucléaire (PET-Scan) utilise les propriétés de la radioactivité à des fins médicales. Le traceur radioactif a la particularité d’émettre différents types de rayonnements. Une fois administré, il se fixe spécifiquement dans le corps humain permettant l’étude, le diagnostic et le suivi de très nombreuses maladies.
La fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) est une maladie progressive associée à un environnement hypoxique (manque d’oxygène) au niveau pulmonaire. L’hypoxie est une composante majeure de la FPI et est associée avec la progression de la maladie.
Pierre Simon Bellaye, ingénieur au sein de l’équipe HSP-pathies – Inserm U1231 et du Centre Georges-François Leclerc (CGFL) s’intéresse à identifier des traceurs spécifiques pour visualiser les zones pulmonaires hypoxiques.
« Le 18F-FMISO (fluoro-misonidazole) est un agent d’imagerie radioactif permettant de visualiser l’hypoxie tissulaire (c’est-à-dire les zones où il manque de l’oxygène).
Injecté chez la souris, ce traceur radioactif a permis en effet de mettre en évidence de nombreuses zones non oxygénées dans le poumon fibreux (par rapport au poumon sain), reflétant une augmentation de la fixation de ce traceur. En revanche, le nintédanib a réduit les zones d’hypoxie et donc réduit la fixation du 18F-FMISO. Grâce à l’imagerie de l’hypoxie, il est possible de prédire la progression de la fibrose et la réponse au traitement par le nintédanib » explique le spécialiste.
A partir de ces résultats très encourageants, une étude de preuve de concept (FIPOXY) sera menée chez l’Homme dont l’objectif est de comparer l’intensité de la fixation pulmonaire du 18F-FMISO chez les patients atteints de FPI et les volontaires sains. Les experts s’attendent à une augmentation de l’accumulation du 18F-FMISO reflétant le niveau d’hypoxie chez les atteints de FPI en comparaison aux sujets sains.
En conclusion, l’imagerie présente de nombreux avantages pour la recherche puisqu’elle permet une évaluation non invasive de la fibrose et un suivi visuel en temps réel de l’atteinte pulmonaire. Pour la clinique, elle permet le développement d’agents non-invasifs et spécifiques pour le diagnostic et l’évaluation de l’efficacité des traitements anti-fibrosants.
Lors de son intervention, le Dr Guillaume Beltramo, pneumologue au service de pneumologie et soins intensifs respiratoires du CHU de Dijon –Inserm U1231, a apporté des éclairages sur les différents types de recherche : fondamentale, clinique, translationnelle.
On dit souvent que ce n’est pas en cherchant à améliorer la bougie que l’on pouvait découvrir l’éclairage électrique. En 1917, Albert Einstein a démontré l’existence des émissions induite. A partir de ces travaux, en 1960, l’Américain Mainman, invente le laser, un pur produit de la recherche fondamentale en physique, dans ce qu’elle a de plus abstrait : la mécanique quantique. Aujourd’hui, ses applications couvrent tous les domaines de la science, de l’industrie à la médecine, de la transmission par fibres optiques à la chirurgie de l’œil ou du système digestif.
La recherche fondamentale a pour principal objectif la compréhension des phénomènes naturels (biologique, histologique, etc.), la mise en place de théories ou de modèles explicatifs.
De son côté, la recherche clinique (l’équivalent médical de la recherche appliquée) effectuée chez l’être l’Homme, se concentre sur la mise au point de nouveaux objets (vaccins, médicaments., etc.) ou sur l’amélioration de techniques existantes (préventives, diagnostiques ou thérapeutiques). Si une telle activité aboutit souvent à des progrès significatifs, c’est pratiquement toujours la recherche fondamentale qui est à l’origine des découvertes réellement innovantes.
La recherche translationnelle ou recherche de transfert est une étape indispensable en recherche tant pour appliquer à l’Homme les concepts et découvertes de recherche fondamentale réalisés en laboratoire que pour orienter la recherche fondamentale à partir des observations cliniques, des données et échantillons prélevés chez l’Homme.
« Entre la conception de la molécule active d’un médicament en laboratoire et sa commercialisation, plusieurs phases jalonnent le parcours d’un nouveau médicament. En moyenne, 10 à 15 ans s’écoulent entre les premiers tests précliniques, les essais cliniques et l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Sur 10 000 molécules élaborées, 250 molécules seront testées en pré-clinique pour déterminer l’efficacité et l’innocuité » précise le pneumologue.
Dans la fibrose pulmonaire idiopathique, de nombreuses études cliniques académiques ou pharmaceutiques sont actuellement menées parmi lesquelles :
- PROGESSIONFPI : l’objectif est de comparer l’éfficacité de l’association pirfénidone et nintédanib par rapport à un changement de monothérapie (pirfénidone ou nintédanib) et par rapport au maintien de la monothérapie (pirfénidone ou nintédanib) chez les patients avec aggravation progressive de leur FPI.
- EXPOSOMFPI : l’objectif est de déterminer si le niveau de vie, définie selon l’INSEE est associé à la sévérite de la FPI.
- HELP-IPF : l’objectif est d’identifier les facteurs socio-démographiques et liés à la maladie influençant la qualité de vie des aidants et son évolution à 1 an.
Les registres et cohortes en cours :
- RaDiCo-PID : est une cohorte nationale, portée par l’Inserm. Elle a pour objectif d’améliorer le diagnostic des pneumopathies interstitielles diffuses idiopathiques et la prise en charge des patients
- EurIPFreg : est un registre européen sur les maladies pulmonaires interstitielles. Il a pour objectif d’étudier les facteurs impliqués dans le déclanchement et l’accélaration des pneumopathies interstitielles diffuses idiopathiques, aider au développement de nouvelles approches thérapeutiques efficaces