Le 26 avril dernier, les experts européens de l’hypertension pulmonaire se sont réunis au Parlement Européen à Bruxelles à l’initiative du groupe de Députés européens pour la santé respiratoire (MEP Lung Health Group). L’association de patients PHA-Europe, l’European Lung Foundation (ELF) et la Société Européenne de Pneumologie (ERS) ont organisé et soutenu cet évènement, qui s’inscrit dans le cadre de la journée mondiale de sensibilisation à l’hypertension pulmonaire qui a lieu chaque année le 5 mai. La session était présidée par le Pr Marc Humbert (président de l’ERS et coordonnateur de RespiFIL) et a permis de présenter le nouvel « appel à action » pour une politique européenne plus forte dans le domaine des maladies rares.
Hypertension pulmonaire et politique européenne
C’est le député européen Istvan Ujhelyi (Hongrie) qui a introduit cette matinée en présentant le projet d’Union Européenne de la Santé. Le Pr Marion Delcroix (Leuven, Belgique) a ensuite présenté l’hypertension pulmonaire, les maladies rares et les politiques européennes.
L’hypertension pulmonaire (HTP) se manifeste par une tension élevée dans les artères des poumons, la circulation du sang est plus difficile en raison du rétrécissement des artères. La maladie se caractérise par un essoufflement, surtout pendant l’effort, une fatigue intense, des étourdissements ou évanouissements, ou des douleurs à la poitrine, etc… L’hypertension est une anomalie fréquente qui touche environ 1 % de la population mais certaines formes sont plus rares. C’est notamment le cas de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) qui touche 50 personnes sur 1 million. Même s’il s’agit d’une pathologie rare, le développement des traitements s’est accéléré au cours des 25 dernières années avec 14 traitements approuvés. Malgré tout, cela reste une maladie grave avec une mortalité de 10 % par an.
La politique européenne impose à chaque pays d’avoir un plan national maladies rares, et, depuis 2016, il existe 24 réseaux européens de référence (ERN) qui couvrent la majorité des maladies rares. Au sein de l’ERN-Lung, réseau européen dédié aux maladies respiratoires rares, il existe un réseau dédié à l’hypertension pulmonaire qui comprend 27 membres, 4 partenaires affiliés et 4 partenaires au Royaume-Uni. Le groupe a identifié plusieurs points d’amélioration pour la politique européenne dans les prochaines années :
- Inciter davantage les Etats membres à mettre en place un plan national maladies rares, notamment via l’identification et le financement de centres experts
- Accélérer les mises sur le marché de nouveaux médicaments et leur remboursement : cela nécessite davantage de collaboration entre les Etats membres de l’UE et l’Agence Européenne du Médicament
- Favoriser la recherche sur les maladies rares sans la limiter aux maladies génétiques. Cela doit être intégré dans les sociétés savantes européennes
- Amoindrir la charge administrative pour les ERN, améliorer la transparence et la coordination entre les différents ERN. Il doit être possible de trouver des solutions communes pour les registres, la réglementation sur le partage de données, etc.
Le rôle de la commission européenne dans la politique des ERN
Monsieur José Valverde, chargé de mission à la Commission Européenne a ensuite présenté le rôle de cette dernière dans la santé et dans le programme EU4Health 2021-2027. C’est notamment sous l’impulsion de la Commission qu’ont été créés les 24 ERN en 2016. Depuis, la Commission œuvre autour de 4 enjeux principaux :
- L’élargissement : depuis la création des ERNs, le nombre de centres experts européens n’a cessé de croître. En 2022, on compte près de 1600 centres experts (HCP). Les centres couvrent désormais l’ensemble du territoire européen.
- Le financement : le programme EU4Health a été adopté le 27 mars 2021. Les ERN ont été intégrés aux objectifs du programme. Cela permet d’avoir un financement consolidé et pérenne.
- L’évaluation et le monitoring : cette étape permet d’analyser périodiquement comment les ERN pourraient être améliorés d’un point de vue administratif, clinique, et dans leur mise en œuvre. EURORDIS et les associations de patients vont notamment être sondés d’un point de vue quantitatif et qualitatif. Une première évaluation va commencer après l’été, les premiers résultats seront publiés d’ici 1 an.
- Les futures actions : elles reposent notamment sur le développement de nouveaux outils informatiques (CPMS, EU Academy…), rendre plus accessible la formation continue au sein des ERN, développer la recherche et les registres, et sur le travail d’intégration des ERN dans les systèmes nationaux de santé.
L’appel à l’action des experts de l’hypertension pulmonaire
Gergely Meszaros, chef de projet de l’association PHA – Europe (association européenne de l’hypertension pulmonaire) est venu présenter le nouvel « appel à action » pour une politique européenne plus forte dans le domaine des maladies rares, qui vient d’être achevé. Le premier appel publié en 2012 nécessitait d’être actualisé. Il rassemble des patients du monde entier, des experts médicaux, des représentants de l’industrie pharmaceutique, des décideurs publics…
Les 5 piliers d’action ont été conservés selon le même modèle que l’appel de 2012 :
L’empowerment des associations de patients
Cela consiste à donner aux patients les moyens de contribuer grâce à une approche proactive et inclusive afin que les personnes atteintes d’une maladie pulmonaire puissent parler de leurs expériences et de leur traitement. Ils fournissent ainsi les informations nécessaires à la prise de décisions fondamentales pour la vie des personnes atteints d’une maladie pulmonaire.
Par ailleurs, les responsables politiques et les décideurs devraient chercher activement à impliquer les associations de patients afin d’intégrer les points de vue des personnes vivant avec une HTP.
Enfin, il faut aller vers un apport financier équilibré, y compris un financement gouvernemental pour ces associations de patients afin qu’elles puissent continuer à être indépendantes.
L’accès au traitement et aux centres experts
L’accès au traitement est crucial pour les patients avec des formes progressives (HTAP, HTP-TEC) . Il existe plusieurs facteurs déterminants : la sensibilisation des professionnels de santé et des populations à risque, la disponibilité locale des thérapies médicales et interventionnelles, etc.. Dans les années futures, pour faciliter l’accès aux traitements, les solutions suivantes pourraient être envisagées :
- Utiliser la télémédecine pour identifier les patients avec des HTP suspectées
- Elargir l’accès au CPMS (réunions de concertation multidisciplinaires au niveau national et européen) dans les cas complexes d’HTP
- Permettre un accès immédiat à toutes les thérapies validées, en effet, un retard de début du traitement peut entrainer une dégradation irréversible de la qualité de vie des patients
- Mobiliser une équipe de transplantation pulmonaire lorsque les traitements ne sont pas efficaces
L’amélioration de la sensibilisation et du dépistage
Le délai entre les premiers symptômes de la maladie et le diagnostic est souvent très long et peut atteindre parfois 3 ans : les patients consultent plusieurs médecins, prennent des traitements non adaptés, ont des diagnostics erronés. Pourtant, il est important de commencer tôt le traitement car cela améliore le pronostic et la qualité de vie. Le diagnostic pourrait être plus précoce avec un dépistage plus efficace de l’hypertension pulmonaire des personnes à risque (par exemple des personnes avec des prédispositions génétiques, des connectivites, des maladies hépatiques, ou les personnes avec un essoufflement inexpliqué). Il s’agit également de mieux informer les professionnels de santé et d’organiser des campagnes de sensibilisation pour le grand public.
La recherche clinique et l’innovation
La coopération entre l’industrie et la communauté médicale a été efficace au cours des 20 dernières années. De nombreux traitements ont été approuvés, mais il reste impossible de guérir de la maladie dans la plupart des cas. Il est important d’encourager la recherche clinique et la collaboration entre les centres notamment en : menant des essais cliniques dans d’autres domaines que l’HTAP et les élargir à d’autres sous-types d’hypertension pulmonaire, développant des traitements qui améliorent la qualité de vie des patients et des tests diagnostiques non-invasifs, travaillant sur l’intelligence artificielle et le machine learning.
Le soutien psychosocial
Le soutien d’un psychologue est important pour les patients et aussi pour l’entourage proche et les aidants. Les associations de patients jouent également un rôle majeur car elles les guident et les tiennent informés des supports et ressources existants.