Résumé

Les pneumopathies d’hypersensibilités (PHS) anciennement appelées alvéolites allergiques extrinsèques (AAE), désignent un groupe de maladies pulmonaires rares qui se caractérisent par une inflammation des poumons consécutive à une réaction immunitaire vis-à-vis de l’inhalation de particules organiques (d’origine végétale ou animale), probablement chez des personnes génétiquement prédisposées.
L’expression « alvéolite allergique extrinsèque » rend compte de l’origine et de la nature de ces maladies :

  • « Alvéolite » se rapporte à une inflammation des alvéoles (les petites cavités où s’effectuent les échanges gazeux) ;
  • « Allergique » se rapporte à la réaction d’hypersensibilité qui est caractéristique de la maladie (il ne s’agit pas en fait d’une allergie vraie mais d’une réaction immunitaire un peu différente) ;
  • « Extrinsèque » se rapporte à une cause extérieure à l’organisme.

Le diagnostic précoce des PHS est essentiel car le traitement principal consiste à éradiquer de l’environnement du patient, l’agent responsable de la maladie.

Causes

Les PHS sont des maladies liées à l’environnement, qu’il soit professionnel ou domestique, résultant d’une exposition souvent prolongée ou répétée à des particules animales ou végétales. Les PHS peuvent être nommées différemment en fonction de l’agent (ou antigène) responsable. Nous citons quelques exemples dans le tableau ci-dessous :

Dénomination des PHS professionnelles Agent (ou antigène) en causeSource
Maladie du poumon de fermierBactéries, moisissuresFoin, fourrage, paille, céréales, fumier, substances végétales moisies
Maladies des éleveurs d’oiseaux Protéines aviairesDéjections ou sérum d’oiseaux (pigeons, tourterelles, perroquets, tous oiseaux élevés en volières, et beaucoup plus rarement oiseux de basse-cour)
PHS des fromagersMoisissures de type PenicilliumMoisissures des fromages
PHS des champignonnistesBactéries, moisissures (micromycètes), spores des champignonsChampignons, compost des champignons
PHS des cribleurs de pommes de terreBactéries, champignons (Aspergillus sp.)Moisissures des pommes de terre
PHS des vigneronsMoisissuresMoisissures du raisin (pourriture grise), araignée rouge
PHS des travailleurs du boisMoisissuresPoussières de chêne, d’érable, de séquoia, moisissures sous l’écorce du bois, dans les vieilles planches, dans la sciure
PHS des travailleurs de l’industrie chimique (ou de secteurs industriels utilisateurs)Isocyanates, anhydrides triméllitiques, résines époxydiquesindustries (et utilisation) du plastique, laques, vernis, peintures, mousses polyuréthanes, moulage en fonderie
Pneumopathies d’hypersensibilité (PHS) professionnelles
Dénomination des PHS domestiques Agent (ou antigène) en cause Source
PHS aviaires domestiques Protéines aviaire Tourterelles, perruches, inséparables, perroquets, colombes, canaris, pigeons, et tous oiseaux de compagnie
PHS des humidificateurs ou climatiseurs Moisissures (actinomycètes thermophiles, micromycètes), bactéries, antigène aqueux Système de climatisation et/ou d’humidification, système de ventilation ou de chauffage par air pulsé, humidificateurs portables, humidificateurs ultrasoniques, huile de radiateur soufflant
PHS liées aux moisissures domestiques Diverses moisissuresMoisissures se développant dans les pièces d’eau, les habitations humides, lors de dégâts des eaux
PHS des jacuzzis MoisissuresMoisissures se développant dans les canalisations des jacuzzi
PHS liées aux plumes Plumes et duvet d’oie ou de canardsCouettes et oreillers en plumes naturelles
Pneumopathies d’hypersensibilité (PHS) domestiques

Personnes concernées

Les PHS sont des maladies rares rencontrées principalement chez l’adulte car elles sont souvent liées à une exposition professionnelle. Néanmoins, elles peuvent survenir à tous les âges de la vie.

Chez l’enfant, la prévalence est estimée à 4 cas par million d’enfants et l’incidence à 2 cas par million d’enfants par an. Cependant, il s’agit d’une maladie probablement sous-diagnostiquée et souvent confondue avec d’autres maladies respiratoires dont elle partage les mêmes symptômes. Dans la majorité des cas, les PHS de l’enfant font suite à une exposition domestique ou à des antigènes protéiques aviaires.

Symptômes

Les PHS peuvent se manifester par trois types de réactions différentes : une réaction aiguë (intense), une réaction subaiguë (récurrente) et une réaction chronique (de longue durée). Les signes et les symptômes varient d’une personne à l’autre.

On distingue actuellement deux grandes formes : les PHS non fibreuses (pouvant se présenter sur un mode aigu ou subaigu), et les formes fibreuses, lesquelles sont toujours chroniques, et pas ou peu réversibles.

  • La crise aiguë est déclenchée par une exposition intense à l’agent responsable. Les symptômes sont une fièvre, des frissons, une sensation de malaise, une oppression thoracique avec sifflements, une toux sèche et un essoufflement. Ces symptômes apparaissent 4 à 8 heures après l’exposition et peuvent s’améliorer si le contact avec l’agent responsable est interrompu (par exemple en week-end ou pendant les vacances).
  • La réaction subaiguë est plus fréquente chez les personnes exposées à des concentrations relativement faibles d’antigène. Elle est caractérisée par de la toux, un essoufflement, une perte d’appétit et une perte de poids. Les symptômes durent plus longtemps que dans la forme aiguë.
  • La forme chronique est observée en cas d’exposition à long terme à l’antigène. Elle se manifeste sur plusieurs mois ou années par une toux, un essoufflement, une fatigue et une perte de poids. Dans les formes avancées de la maladie, la fibrose pulmonaire (« cicatrisation » excessive du tissu pulmonaire) entraîne une insuffisance respiratoire chronique. Il s’agit des formes fibreuses de PHS, pouvant dans certains cas continuer de s’aggraver même si le patient n’est plus exposé à la cause.

Examens de diagnostic

Le diagnostic nécessite un interrogatoire minutieux et une analyse détaillée du travail, des habitudes de vie, de l’environnement domestique, des activités de loisirs, des contacts avec les animaux ainsi que des sources de moisissures et d’humidité. Cette phase de diagnostic est souvent difficile, car les personnes atteintes ne sont pas toujours conscientes de l’exposition.
Si une exposition à des antigènes est soupçonnée, une analyse du sang est réalisée afin de rechercher la présence d’immunoglobulines (appelées « précipitines » du fait de la méthode utilisée au laboratoire, car sur des supports adaptés, ces protéines précipitent en présence de l’antigène responsable de la maladie).
Une visite à domicile par un conseiller en environnement intérieur, voire des prélèvements au domicile ou sur le lieu de travail du patient par du personnel formé, permettent parfois d’aider au diagnostic.

Une radiographie du thorax, une tomodensitométrie (TDM) thoracique (ou scanner) et des explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) sont systématiquement effectuées si l’âge le permet.
Le lavage bronchoalvéolaire (LBA) et rarement une biopsie pulmonaire peuvent être nécessaires si les résultats des précédents examens sont non concluants.

Prise en charge

Le traitement repose principalement sur :

  • L’éviction de l’agent responsable

L’éviction de l’agent responsable permet une évolution favorable dans la plupart des cas. Sauf cas particulier, elle doit être complète et définitive. En cas d’impossibilité d’une éviction, des mesures de protection doivent être mises en place :
Les mesures d’ingénierie et l’équipement de protection individuelle (masques anti-poussières, filtres, etc.) figurent parmi les mesures de réduction de l’exposition aux antigènes en milieu professionnel.
Les méthodes d’ingénierie comprennent la ventilation par aspiration à la source, la ventilation générale, l’isolement et l’isolation des procédés (le fait d’isoler le travailleur du procédé qui génère de la poussière). L’intervention du médecin du travail est souvent utile.

Dans les exploitations agricoles par exemple, il est possible de prévenir la libération de particules et de réduire la formation de nuages de poussière au moyen de conduits d’évacuation étanches et de convoyeurs fermés et étanches pour le transport des grains et des aliments du bétail. Les bâtiments doivent être dotés de systèmes de ventilation par aspiration à la source dans les zones fréquentées par les travailleurs chargés de la manutention des œufs ou de l’entreposage et de la préparation des aliments du bétail.

Dans les secteurs fermés où sont logés les animaux d’élevage, il faut surveiller la température et l’humidité relative. Il faut prévoir une ventilation adéquate et un apport d’air neuf suffisant.
Pour les travaux aux champs, les travailleurs doivent disposer de tracteurs ou de moissonneuses-batteuses dotées de cabines fermées à atmosphère filtrée. Les travailleurs et les médecins peuvent s’informer auprès de la médecine du travail, des mutuelles (en milieu agricole en particulier), et de réseaux de professionnels tels que le REPRAN (REseau Pathologies Respiratoires Agricoles National).

S’il s’agit d’une exposition domestique, le nettoyage du logement doit être méticuleux après retrait de la cause. Les patients doivent également limiter les expositions à d’autres sources antigéniques connues (oreillers en plumes, climatiseurs, etc.). Si la PHS est liée aux oiseaux, il est indispensable de s’en séparer et de se débarrasser de la cage.

  • Le traitement des formes graves

En cas d’aggravation importante de la fonction respiratoire, des corticoïdes peuvent être prescrits. Ces anti-inflammatoires vont permettre de lutter contre l’inflammation des poumons. Ce traitement soulage les symptômes, mais ne semble pas modifier l’évolution de la maladie à long terme. Parfois, un médicament immunosuppresseur est associé à la corticothérapie, qui en renforce l’effet et permet de diminuer la dose des corticoïdes.

Dans certains cas, la maladie continue de s’aggraver malgré l’éviction de l’agent responsable (s’il a pu être identifié) et la corticothérapie, et la PHS fibreuse progresse. Il peut être envisagé dans ces cas, un traitement anti-fibrotique.

  • Éducation thérapeutique et modification du mode de vie

L’éducation thérapeutiques joue également un rôle primordial : par exemple, les travailleurs doivent savoir comment entreposer les matières pour prévenir la formation de moisissures et réduire la production de poussières.
Chez l’enfant, il est essentiel d’adapter le mode de vie de la famille aux contraintes de la maladie. Une prise en charge sociale est aussi nécessaire (prise en charge de séjour en centre climatique, etc.).

Suivi

Le suivi dans un centre de référence/ou compétence par une équipe spécialisée est important car il vise à s’assurer de la régression des symptômes et à gérer la diminution progressive et l’arrêt des éventuels médicaments prescrits. Il permet d’informer le patient et ses proches, de traiter les épisodes d’exacerbations et de rechutes, de maintenir une fonction respiratoire normale, mais aussi de veiller au respect des mesures d’éviction.

Liens utiles

Relecture par le Pr Vincent COTTIN, pneumologue, coordonnateur du centre de référence des maladies pulmonaires rares (OrphaLung), hôpital universitaire Louis Pradel, Hospices civils de Lyon ; le Pr Nadia NATHAN, pneumopédiatre, centre de référence des maladies respiratoires rares (RespiRare), hôpital Armand Trousseau, AP-HP. Mise à jour octobre 2021.